La crise des parrainages : la faute à qui ?

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Nicolas Beytout
Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mercredi, il revient sur les difficultés qu'ont certains candidats à trouver des parrainages pour l'élection présidentielle.
EDITO

Après la nouvelle salve de parrainages publiée hier par le Conseil constitutionnel, 3 candidats crédités de plus de 10% des intentions de vote n’ont pas atteint le seuil des 500 signatures, et sont donc menacés de ne pas pouvoir se présenter. Ce qui serait évidemment, comme l’a dit hier Jean Castex à l’Assemblée, "un sujet profondément démocratique". Le Premier ministre a donc lancé un appel solennel aux maires pour qu’ils parrainent les candidats en panne, même s’ils ne les soutiennent pas politiquement. Une façon, en réalité, de mettre la pression sur les élus locaux alors qu’ils ne sont pour rien dans cette crise institutionnelle qui menace.

La faute aux divisions internes

Cette responsabilité est largement partagée. Commençons par les principaux fautifs : les candidats eux-mêmes. Si Jean Lassalle et Nathalie Arthaud ont eu leurs 500 signatures alors que leur potentiel électoral est tout simplement minuscule, c’est parce qu’ils se sont mis très tôt en quête des parrainages. Ils se sont impliqués dans cette corvée, l’ont prise au sérieux, ce que n’ont pas suffisamment fait les autres, les grands (ou plus grands) candidats, les Le Pen, Zemmour, Mélenchon. Autre élément d’explication, qui là encore relève de la responsabilité des candidats eux-mêmes, leurs divisions internes.

Si Marine Le Pen et Eric Zemmour sont en manque de parrainages, le total des signatures déjà engrangé par ces candidats qui se positionnent tous les deux à l’extrême droite frôle les 800. Même constat à l’opposé de l’échiquier politique : si Jean-Luc Mélenchon n’a à ce jour que 442 signatures, c’est parce que le communiste Fabien Roussel, qui s’était effacé derrière lui à la précédente présidentielle, a cette fois-ci décidé de se présenter pour son compte et a gardé pour lui près de 600 soutiens. Et tenez, si on va encore plus à gauche, Philippe Poutou qui espérait être pour la troisième fois le candidat du Nouveau Parti anticapitaliste à la présidentielle, est scotché avec 224 signatures seulement, à cause d’un dissident qui détourne déjà plus de 100 précieux soutiens. C’est l’inverse de la devise bien connue : diviser pour régner devient diviser pour échouer.

Mais aussi de François Hollande

C'est aussi la responsabilité de François Hollande, qui avait en son temps imposé que les noms des parrains soient rendus publics, provoquant la méfiance des élus locaux qui ne veulent pas être ennuyés. Mais aussi Emmanuel Macron, pourtant largement informé de la catastrophe démocratique qui avait failli se produire pour les mêmes raisons il y a 5 ans, lors de la précédente présidentielle, mais qui n’a rien fait pour réformer le système. Et puis François Bayrou, avec son idée de banque des parrainages qui part sûrement d’une bonne intention, mais risque de démotiver les maires qui s’apprêtaient à se bouger un peu pour signer, et donne en plus l’impression de petits arrangements entre amis, puisqu’il va distribuer des signatures aux candidats en panne, sans que l’on ne sache ni combien ni sur quel critère. Jusqu’à présent, il a promis d’aider Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Eric Zemmour, mais comment justifierait-il de planter Nicolas Dupont-Aignan qui a déjà 422, tout près de la barre fatidique des 500 ?

Un système qui se débat pour survivre

Concrètement, Jean Castex a invité toutes les associations d’élus locaux à une réunion à Matignon, jeudi matin. Il restera une semaine pour le sprint final, et il y a de bonnes chances pour que 10 ou 11 candidats soient sur la ligne de départ de la course à l’Elysée, soit un schéma assez classique. A charge ensuite, pour le vainqueur, de réviser dès le début de son mandat ce système des parrainages qui, en donnant la détestable image d’un système qui se débat pour survivre, fait plus de mal que de bien à la démocratie.