Inflation : les députés travaillent sur un texte pour avancer les négociations commerciales dans la grande distribution

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Quelques produits alimentaires commencent à peine à baisser. © Philippe LOPEZ / AFP
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, avec AFP
À partir de ce lundi, l'Assemblée nationale examine un projet de loi visant à avancer les négociations commerciales entre les industriels et les acteurs de la grande distribution. L'objectif est de démarrer les discussions dès le mois de janvier, au lieu de mars, dans un contexte d'inflation galopante depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

L'Assemblée nationale examine à partir de lundi un projet de loi devant avancer les négociations commerciales entre grands industriels et supermarchés, afin de faire baisser les prix en rayons mais avec un résultat non garanti, même si l'inflation ralentit. Pour la quatrième fois en cinq ans, le Parlement va se pencher sur la législation encadrant ces négociations commerciales. Tournant chaque année à la foire d'empoigne, elles permettent au terme de plusieurs semaines d'âpres discussions de fixer les conditions (prix d'achat, place en rayon, calendrier promotionnel...) auxquelles les entreprises E. Leclerc, Carrefour, Intermarché ou Système U vont s'approvisionner pour l'ensemble de l'année auprès de leurs fournisseurs.

Réduire l'inflation

Le gouvernement entend avancer au 15 janvier, au lieu du 1er mars, la date à laquelle doivent se conclure les négociations pour 2024. Une majorité des produits vendus dans les supermarchés sont concernés par ces négociations annuelles: les produits à marque dite nationale, telles que Danone, Nutella, Nescafé ou Cochonou. Ces produits représentent par exemple les deux tiers des ventes de Carrefour.

 

L'objet des précédentes lois sur le sujet, Egalim 1 (2018) et 2 (2021), et Descrozaille plus récemment, avaient pour objectif d'une part d'empêcher que les producteurs agricoles ne fassent les frais de la guerre des prix, et d'autre part de renforcer le poids des industriels face à la grande distribution. Mais surtout depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'inflation alimentaire s'est imposée comme un sujet majeur en France. Le gouvernement avait pressé mi-2022 toutes les entreprises de renégocier à la hausse en cours d'année pour mieux rémunérer des industriels confrontés à la hausse de leurs coûts.

Une baisse des prix ou une hausse de salaire

En 2023, l'exécutif est intervenu cette fois pour demander la répercussion à la baisse d'un certain nombre de prix de gros, sans que cela ne se traduise par des baisses de prix sensibles en rayons. D'où la volonté d'avancer d'un mois et demi le calendrier de 2024, dans l'espoir de voir des prix plus bas plus vite en rayons. "Si nous voulons combattre l'inflation, il faut que les entreprises qui le peuvent tirent sur leurs marges, soit pour baisser les prix, c'est pour cela que nous avançons la date des négociations commerciales, soit pour augmenter les salaires", a déclaré lundi matin sur Sud Radio le ministre de l'Économie Bruno Le Maire.

Même pour un changement de calendrier ponctuel, il est nécessaire d'en passer par la loi car la date butoir habituelle figure dans le Code de commerce. Le gouvernement avait annoncé vouloir n'avancer le calendrier que pour les 75 plus gros industriels. Toutefois, l'Institut de liaisons des entreprises de consommation (Ilec), qui porte la voix de ces géants, a déjà averti que l'issue des négociations serait "contrastée", certains marchés de gros continuant "à augmenter", expliquait fin septembre son directeur général Richard Panquiault.

 

Le leader de la distribution alimentaire E.Leclerc n'avait reçu jeudi que des demandes de conditions de vente "à la hausse, pour certaines de 15%" de la part de leurs fournisseurs, a abondé jeudi son médiatique représentant, Michel-Edouard Leclerc. Ce qui crée "une inquiétude" chez Thierry Cotillard, patron du groupement Intermarché/Les Mousquetaires, sur la capacité des distributeurs à "obtenir de la déflation". Il a même évoqué dimanche la possibilité d'une hausse des prix "entre 0% et 4%", ce qui serait à l'opposé de la volonté du projet de loi.

Des signes d'une baisse de prix

En outre, le traitement différencié des plus gros industriels est problématique pour certains : "les multinationales vont cannibaliser les budgets de la grande distribution et préempter une grande partie du linéaire disponible", craint le président de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF), Léonard Prunier, qui demande que les petits passent avant les gros.

L'Adepale, association des PME et ETI françaises de l'alimentation, a elle demandé mardi "la suppression des seuils de mise en place des négociations commerciales" qui doit, dans le texte examiné par l'Assemblée, permettre de faire la différence entre gros et moins gros industriels. La date butoir des négociations fait aussi débat. "Le projet de loi ne change pas grand chose sur le fond", a estimé Michel-Edouard Leclerc. Certains plaident pour pouvoir négocier toute l'année.

L'inflation alimentaire donne toutefois des signes de décélération. Certains prix en rayons commencent même à baisser, dans des proportions toutefois bien moindres que les hausses des deux dernières années. Industriels comme supermarchés estiment de toute façon très improbable un retour aux prix de 2019.