réunion publique, gilets jaunes, grand débat national crédit : ROMAIN LAFABREGUE / AFP - 1280 4:18
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Justin Morin avec François Coulon et Benjamin Peter, édité par Marthe Ronteix , modifié à
Alors que les réunions publiques se multiplient pour recueillir les revendications et idées des Français, peu de jeunes participent. Europe 1 s'est penché sur les raisons qui expliquent que les jeunes ne fassent pas entendre leur voix dans le débat.

Avec le "grand débat national", des réunions publiques s'organisent aux quatre coins de la France dans les mairies, dans les salles communales, où des dizaines de milliers de personnes vont donner leur avis, leurs idées. Mais parmi ces participants, on trouve peu de jeunes et d'habitants des quartiers, comme ont pu le constater les reporters d'Europe 1 en région parisienne, à Nantes et à Toulouse. 

Des jeunes rares dans les débats. Dans la salle des mariages transformée en agora de Villiers-le-Bel, dans le Val-d'Oise, il n'y avait plus une chaise libre. Une cinquantaine de personnes a participé au débat mais parmi eux, seuls quatre avaient moins de 25 ans. Et ce constat n'est pas spécifique à cette ville : les jeunes sont les grands absents de ces débats.

Une question de légitimité. Et pourtant, cela ne signifie pas que les sujets ne les intéressent pas. À Nantes, par exemple, le mot légitimité est souvent revenu au micro du correspondant d'Europe 1 qui est allé à la rencontre des étudiants du campus universitaire. Beaucoup d'entre eux estiment ne pas être en mesure de donner leur avis sur les grands thèmes du débat.

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"J'ai pas envie de parler d'un truc si je ne suis pas 100% sûre", explique Marie qui étudie l'histoire. "Je trouve qu'avec ma maigre expérience, je ne peux pas me permettre de parler de tout ce qui est impôts... Il n'y a que mes parents ou les gens plus âgés qui peuvent savoir. Le jour où je paierais des impôts, où je saurais exactement comment fonctionne la société, les maires... Je pourrais me permettre de participer à ça."

La peur de ne pas être pris au sérieux. En plus de cette question de légitimité, les jeunes ont une certaine appréhension face aux adultes qui ne les prendraient pas au sérieux. "Vont-ils nous écouter, prendre en compte nos idées ?", s'interroge Alexandra, également étudiante en histoire. "On ne nous prend pas au sérieux parce que, selon certaines personnes d'un certain âge, on n'a aucun vécu. Alors qu'ils ne nous connaissent pas." Dans ces conditions, ont-ils envie de participer à ce débat ? "Oui, parce que c'est quand même notre pays." 

"Les 'gilets jaunes', ce sont d'autres problèmes". Un discours qui n'est pas tout à fait le même lorsque l'on s'éloigne des centres-villes pour se rendre dans les quartiers plus sensibles que l'on n'a pas entendu depuis le début de la mobilisation. Dans le quartier du Grand Mirail de Toulouse, c'est plutôt le manque total d'information qui expliquerait l'absence des jeunes. La quasi-totalité des jeunes rencontrés par le correspondant d'Europe 1 en Occitanie n'était même pas au courant de l'organisation d'une réunion près de chez eux et encore moins qu'ils étaient invités à y participer. 

"Ça ne m'intéresse pas parce que je pense que notre parole ne sert à rien", déplore Karim, 27 ans. "Ce sont les 'gilets jaunes' mais ce n'est pas nous, ça n'a rien à voir, ce sont d'autres problèmes. C'est pour ça que nous, on ne veut pas s'engager là-dedans. On ne veut pas se battre pour ça aussi. Mais nous, on n'en demande pas plus, on fait notre vie, c'est tout."

Entendu sur europe1 :
Les jeunes sont intéressés, ils ont envie de s'engager mais les plateformes n'existent pas et ils n'ont pas forcément envie de faire les démarches pour aller se renseigner. Il faut venir vers eux

Alors plusieurs élus et membres associatifs tentent de mobiliser ces jeunes des quartiers pour qu'ils ne soient pas une fois de plus les laissés-pour-compte de ce grand débat. Mais eux aussi ont bien du mal à s'engager car l'abandon brutal par l'Élysée du plan Borloo au printemps dernier, un nouveau plan en faveur des banlieues, ne leur donne guère envie d'y croire.

Des jeunes qui s'expriment plus facilement sur Internet. Mais s'ils ne participent pas aux réunions publiques, cela ne signifie pas pour autant que l'on n'entendra pas du tout les voix des jeunes car ils pourront s'exprimer grâce au numérique. Si les anciennes générations ont encore le réflexe de se déplacer à la mairie pour s'exprimer, les nouvelles le font directement en ligne. Le site du "grand débat national" enregistre déjà plus de 40.000 contributions. On peut alors imaginer que les jeunes s'y expriment librement, loin du regard des adultes.

Un débat parallèle "spécial" jeunes. Car le débat, les plus jeunes s'y intéressent comme le montrent des initiatives comme The French Debat. Audran Demierre, un lycéen de 17 ans, a créé ce forum deux ans plus tôt, juste avant l'élection présidentielle. Et aujourd'hui, surpris que la lettre d'Emmanuel Macron aux Français n'aborde pas du tout la jeunesse, il a décidé de lancer son grand débat national des jeunes. Il s'agit d'un questionnaire très concret et assez ludiques sur la manière dont nos institutions fonctionnent. Et on peut y répondre en seulement cinq minutes, un format plus "adapté" à la jeunesse que ce que propose le gouvernement.

"On parle d'éducation, de service national universel, de Parcoursup qui sont des sujets propres aux jeunes et qui les intéressent réellement", détaille Audran Demierre au micro d'Europe 1. "Les jeunes sont intéressés, ils ont envie de s'engager mais les plateformes n'existent pas et ils n'ont pas forcément envie de faire les démarches pour aller se renseigner. Il faut venir vers eux." Le tout sera envoyé au ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse. Les idées proposées seront probablement bien différentes de celles issues du "grand débat national" mais pas forcément moins intéressantes.