Retraites : François Bayrou se fixe comme objectif un accord «fin mai»

Le Premier ministre François Bayrou lance vendredi la concertation promise sur la réforme des retraites. Une réunion qui vise à "fixer le cadre et la méthode", insiste Matignon, face aux travaux censés durer trois mois. Reste à savoir si la demande de suspendre la réforme proposée par le PS, sera entendu par le gouvernement ou pas.
François Bayrou a lancé vendredi la concertation promise sur la réforme des retraites, dont les modalités sont déjà disputées, et qui ne démarrera qu'à l'issue d'une mission de chiffrage délicat sur leur financement. L'invitation lancée aux organisations syndicales et patronales est sobre : un courriel, envoyé mercredi soir, pour les convier à une "concertation des partenaires sociaux" à 11 heures au ministère du Travail, en présence du Premier ministre.
Ce qu'il faut retenir :
- La concertation sur les retraites débute ce vendredi à 11 heures
- Le Premier ministre se dit ouvert à toute proposition, à condition de ne pas dégrader la situation des comptes publics
- Les partenaires sociaux espèrent "être au rendez-vous de l'Histoire", malgré leurs profondes divergeances
- François Bayrou se fixe comme objectif un accord «fin mai»
"On a posé le cadre" mais "il faut un bougé sur l'âge légal", estime Marylise Léon
La N.1 de la CFDT Marylise Léon a réaffirmé qu'il fallait "un bougé sur l'âge légal" de départ à la retraite à l'issue de la réunion vendredi entre gouvernement et partenaires sociaux pour lancer une difficile remise en chantier de la réforme de 2023, qui a permis selon elle de "poser le cadre".
"On a toujours été extrêmement clair. 64 ans, c'est non. Donc il y a là un sujet. Il faut un bougé sur l'âge légal", a déclaré Marylise Léon, qui a également mis en avant la question de la pénibilité du travail et de l'égalité hommes/femmes.
"On a posé le cadre, beaucoup d'éléments de méthode et de sujet qui peuvent être invoqué par les uns et les autres. Moi, je suis optimiste", a ajouté la secrétaire générale du premier syndicat français.
Bayrou se fixe comme objectif un accord "fin mai"
François Bayrou a fixé vendredi à "fin mai" l'objectif d'un accord entre les partenaires sociaux sur les retraites, estimant "inimaginable que ce problème si important pour la société française se résolve uniquement par l'épreuve de force", à la sortie de la première réunion sur le sujet au ministère du Travail.
"Cette idée qu'ils vont partager des mois et des mois de travail, pour moi, c'est une idée fructueuse", s'est-il réjoui, déplorant l'état de "blocage général" dans lequel se trouve la France. "On est un pays qui n'a pas de budget, on est un pays qui n'a pas de majorité, on est un pays dans lequel les uns ne cessent de s'affronter aux autres (...) et on peut pas en rester là parce que pendant ce temps, le monde nous assiège", a-t-il déclaré.
Financement des retraites : la Cour des Comptes rendra ses conclusions le 19 février
La Cour des comptes chargée d'établir "un constat" sur le financement des retraites rendra ses conclusions le 19 février, a annoncé vendredi le Premier ministre François Bayrou aux partenaires sociaux, selon des propos rapportés par son entourage.
"Cela permettra d’avoir une vision de l’avenir. Pierre Moscovici (le président de la Cour des comptes) m’a indiqué qu’il rendra le rapport le 19 février", a précisé le Premier ministre aux partenaires sociaux réunis au ministère du Travail, pour lancer une difficile concertation sur la très décriée réforme des retraites, adoptée au forceps en 2023.
Le Premier ministre a estimé devant les partenaires sociaux réunis depuis 11 heures du matin que cette concertation était une "déclaration de confiance, un choix stratégique de faire confiance au dialogue social".
Une proposition phare du nouveau locataire de Matignon
La réunion a pourtant failli ne pas se tenir le jour prévu. Plusieurs syndicats, deux ministres et Matignon avaient évoqué mercredi matin des problèmes de calendrier et son annulation, avant que les services de François Bayrou ne maintiennent finalement le rendez-vous. Et ses modalités faisaient encore débat jeudi. "Ça évolue au fil des heures et c'est assez déstabilisant", a affirmé jeudi matin sur France Inter le président du Medef (patronat) Patrick Martin. "Tout ça n'est pas très bien organisé", persiflait auprès de l'AFP une source syndicale.
C'est pourtant la proposition phare du nouveau locataire de Matignon qui lui a permis d'échapper jeudi à la censure des socialistes : "Remettre ce sujet (des retraites) en chantier avec les partenaires sociaux", avait annoncé François Bayrou mardi, sans pour autant accéder à la demande du PS de "suspendre" la très controversée réforme des retraites en vigueur.
Des réunions qui ne doivent pas dégrader les comptes
Cette première réunion selon Matignon vise à "fixer le cadre et la méthode", et les travaux censés durer trois mois ne commenceront que lorsque la mission flash confiée à la Cour des comptes sur le financement du système de retraites sera rendue, soit dans "quelques semaines", selon le président de la juridiction Pierre Moscovici.
François Bayrou, qui considère que le poids des retraites dans le déficit public est bien plus lourd que celui calculé par le Conseil d'orientation des retraites, rattaché à Matignon, a chargé la Cour des comptes d'établir "un constat" fondé sur "des chiffres indiscutables". La révision de la réforme de 2023 devra tenir compte d'une exigence : ne pas "dégrader l'équilibre financier" du système, a prévenu François Bayrou.
Sur le format des concertations, le président du Medef refuse de discuter des retraites du secteur public et déplore "des interférences politiques". Il explique ne pas vouloir "recréer des tuyauteries entre les régimes privés (...) remarquablement bien gérées par les partenaires sociaux, et des régimes qui sont chroniquement déficitaires", comme c'est le cas du public. Patrick Martin espère également que les discussions auront lieu à "huis clos" et avec les organisations représentatives, alors que le syndicat Unsa et les agriculteurs de la FNSEA, qui n'en font pas partie, ont été conviés.
Des partenaires sociaux qui veulent être "au rendez-vous de l'Histoire"
Sur le fond des débats, les différends sont nombreux entre les syndicats et le patronat, qui ne veut pas modifier l'âge de départ porté progressivement par la réforme d'Elisabeth Borne à 64 ans et souhaite mettre en place un régime par capitalisation. "Les 64 ans c'est profondément injuste pour un certain nombre de travailleurs et de travailleuses", a jugé Marylise Léon (CFDT) vendredi matin sur TF1.
Réunis en intersyndicale jeudi après-midi, toutes les organisations syndicales représentatives ont rappelé "unanimement leur refus du report de l'âge de départ à 64 ans", selon Julie Ferrua, codéléguée générale de Solidaires. Toutefois, des divergences existent aussi chez les centrales syndicales. "On n'a pas les mêmes solutions pour trouver les sources de financement", concède Solidaires, qui n'a pas été conviée comme la FSU aux premières discussions.
"On a fait une intersyndicale parce qu'on a mené un combat contre la retraite à 64 ans, mais il n'y aura pas d'intersyndicale pour mener un projet", prophétise un leader syndical, "nous ne sommes pas du tout d'accord sur le fond". C'est la première fois que les partenaires sociaux ont la main sur cette réforme, adoptée au forceps par l'article 49.3 de la Constitution en mars 2023, en dépit de 14 journées de mobilisations qui ont rassemblé de 1,28 à trois millions de manifestants, selon les sources.
"On a enfin la parole", s'est réjouie Marylise Léon sur TF1, "les organisations syndicales vont enfin pouvoir s'exprimer et parler du travail (...) C'est ce qu'attendent les travailleurs et les travailleuses". Et parmi les sujets que la CFDT souhaite porter, se trouve "la pénibilité" et les "inégalités entre les hommes et les femmes à la retraite". "Les partenaires sociaux pourraient être au rendez-vous de l'Histoire", veut croire François Asselin pour la CPME.