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Chloé Triomphe, édité par Ugo Pascolo avec AFP
Au procès de "Charlie Hebdo", Riss, l'actuel directeur de publication du journal est revenu sur le massacre du 7 janvier 2015. Pudique sur les détails de l'attaque, le caricaturiste a livré un témoignage à mi-chemin entre émotion, prise de parole politique et interrogation sur la défense de la liberté. 

Après les rescapés comme la dessinatrice Coco, c'était au tour des blessés de l'attentat de Charlie Hebdo de témoigner mercredi, lors du sixième jour du procès des attentats de janvier 2015. Parmi eux, Riss, caricaturiste blessé à l’épaule droite lors de la fusillade au siège du journal à Paris le 7 janvier 2015, depuis devenu directeur de la publication de l'hebdomadaire après le meurtre de Charb. À la barre, c'est un homme à la voix posée mais empreinte d'une profonde tristesse qui s'est exprimé. Un homme dont la vie se résume à celle d'un assigné à résidence, en permanence sous protection policière, qui s'autorise de temps à autre à marcher dans la rue en compagnie de sa femme en se demandant "si cela est bien raisonnable". 

Le silence des morts "qu'il ne fallait pas troubler"

Pudique sur les détails du carnage, Riss préfère évoquer le silence qui a succédé aux tirs des frères Kouachi, le silence des morts "qu"il ne fallait pas troubler". "La sensation immédiate après l'attentat, c'est d'avoir été tronçonné en deux, comme si votre corps avait été coupé en deux et qu'on vous privait d'une partie de vous", a expliqué le dessinateur qui, comme plusieurs survivants de la tuerie, a "cru mourir" lors de l'attaque. "C'est une autre mutilation, qui est peut-être encore plus terrible que celle des corps. C'est une amputation", a-t-il poursuivi. 

"La liberté dont nous jouissons" ne tombe pas "du ciel"

À plusieurs reprises, ses mains se crispent et ses mâchoires peinent à réprimer des sanglots silencieux sous son masque contre le coronavirus. Mais à chaque fois, Riss reprend la parole avec le même calme. Il s'en prend aussi à ceux qui n'ont pas soutenu Charlie Hebdo. Cette "partie de la gauche" qui a vu avec opportunisme l'islam politique comme un outil, "un nouveau système alternatif à la social démocratie qu'elle déteste". Et il interroge les consciences : "On a grandi sans imaginer qu'un jour on pourrait remettre en cause nos libertés", a-t-il insisté. Pourtant, "la liberté dont nous jouissons" ne tombe pas "du ciel". 

Aucun regret sur la publication des caricatures

Une liberté que Riss continue de défendre mordicus. Ainsi, il assure ne pas "regretter" d'avoir publié les caricatures de Mahomet, dessins qui ont fait de la rédaction de Charlie Hebdo une cible pour les djihadistes. Il les a d'ailleurs fait republier peu avant le procès. "Si on avait renoncé au droit de publier ces caricatures, ça voudrait dire qu'on a eu tort de le faire. Ce que je regrette, c'est de voir à quel point les gens sont si peu combatifs pour défendre la liberté. Si on ne se bat pas pour sa liberté, on vit comme un esclave et on met en avant une idéologie mortifère."