En Corse, un hommage très politique au préfet Erignac

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Emmanuel Macron a rendu, mardi, un vibrant hommage au préfet Claude Erignac, tout en distillant un message politique. © LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
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Réunis à Ajaccio pour rendre hommage à Claude Erignac, préfet assassiné il y a vingt ans jour pour jour, sa veuve et Emmanuel Macron ont donné deux discours aux accents très politiques. 

Un homme, une place, des souvenirs et des symboles. Mardi matin, à Ajaccio, la petite rue Colonna-d'Ornano s'est parée d'accents graves, alors qu'Emmanuel Macron et de nombreux autres responsables politiques y rendaient hommage au préfet Claude Erignac, assassiné précisément à cet endroit vingt ans plus tôt. Le président, arrivé sur place peu après 11 heures, a inauguré officiellement la petite place construite là où le représentant de l'État s'était effondré, le soir du 6 février 1998, après avoir reçu trois balles dans la tête. Mais lorsqu'est venu le temps des discours, l'émotion palpable de la cérémonie a laissé place à une dimension plus politique.

"La République qu'on a voulu abattre". C'est la veuve du préfet qui a ouvert la voie. Derrière le pupitre installé au milieu de la chaussée, enveloppée d'une écharpe violette et de la dignité de ceux qui ont appris à vivre avec le vide et le chagrin, Dominique Erignac a rendu un vibrant hommage à son mari, mais aussi à la République. "Je pensais ne jamais revenir sur ce lieu maudit", a soufflé celle qui n'avait pas mis les pieds dans la rue Colonna-d'Ornano en vingt ans. "Il faut se souvenir qu'à travers Claude, mon mari, c'est la République qu'on a voulu toucher et abattre." Assimilant l'inauguration de la place à une "réaffirmation des valeurs de la République", Dominique Erignac a estimé qu'il s'agissait "d'une manière de dire que la République n'oublie pas, n'oubliera jamais ce qui s'est passé il y a vingt ans". "Contrairement à ce qu'on peut entendre ou lire, il est attesté que la page n'est pas tournée. Comment pourrait-elle l'être alors qu'elle est tachée de sang ?"

"J'espère que la République ne faiblira jamais en Corse", a également lancé la veuve de Claude Erignac, comme un avertissement à Emmanuel Macron. Le président, qui sera sur l'île jusqu'à mercredi, aura en effet l'occasion de s'exprimer sur les revendications des nationalistes, qui souhaitent plus d'autonomie et une reconnaissance plus importante des spécificités du territoire. 

" Un tel acte n'a rien à voir avec une prétendue lutte de libération. "

"Une ignominie" qu'on n'habille pas "du beau nom de résistance". Mais déjà mardi matin, Emmanuel Macron a, lui aussi, profité de l'hommage au préfet assassiné pour faire de la politique. "Ce qui s'est passé ici le 6 février 1998 ne s'excuse pas, ne se justifie pas, ne se plaide pas, ne s'explique pas", a-t-il martelé. "Ce fut un assassinat, un attentat, rien de plus haut ni de plus noble." Autrement dit, pas question d'"habiller cette ignominie du beau nom de résistance", a prévenu le chef de l'État qui, pour appuyer son propos, a longuement salué la Résistance corse sous l'Occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. "Un tel acte n'a rien à voir avec une prétendue lutte de libération, c'est la simple trahison."

"Droit et dialogue démocratique". Qualifiant la mort de Claude Erignac d'"inacceptable", Emmanuel Macron lui a cependant attribué un mérite : "elle aura ranimé l'exigence du droit et du dialogue démocratique" sur l'île de Beauté. Deux piliers que le président devrait sans aucun doute évoquer de nouveau, sans "faux-semblants" et en "reprenant les chemins de la franchise", lors de la suite de sa visite. Le chef de l'État a d'ailleurs esquissé les grandes lignes de ce qui devrait être sa position dans les heures à venir, lorsqu'il rencontrera notamment les dirigeants nationalistes de la collectivité unique.

"La Justice sera suivie sans amnistie". Une position marquée par la fermeté d'une part, et des engagements en faveur du développement de la Corse de l'autre. "Nous devons sans relâche œuvrer à une île réconciliée, tournée vers des lendemains meilleurs", a-t-il souligné, jugeant du "devoir" de la République de "ménager un avenir à la Corse". Mais une ligne rouge est d'ores et déjà apparue : l'amnistie que réclament les nationalistes pour les "prisonniers politiques" corses. Dans l'assassinat du préfet Erignac, "c'est la Justice de la République qui a été rendue", a martelé Emmanuel Macron. "Elle sera suivie, sans complaisance, sans oubli, sans amnistie."