Échanges avec Macron, passeports diplomatiques : les zones d'ombre de la nouvelle "affaire Benalla"

Alexandre Benalla assure qu'il a gardé contact avec l'Élysée et Emmanuel Macron.
Alexandre Benalla assure qu'il a gardé contact avec l'Élysée et Emmanuel Macron. © Alain JOCARD / AFP
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Soupçonné d'avoir utilisé ses passeports diplomatiques après son licenciement de l'Élysée, Alexandre Benalla affirme également toujours être en contact avec Emmanuel Macron. Ce que nie formellement la présidence.
ON DÉCRYPTE

Cinq mois après avoir été au centre de l’attention et fait trembler l’Élysée à cause de son comportement lors de la manifestation du 1er Mai, Alexandre Benalla est au cœur d'une nouvelle polémique. En cause : des révélations de presse sur son usage de passeports diplomatiques supposément conservés après son licenciement de l’Élysée. En toile de fond de cette "affaire", c’est l’influence de l’ancien chargé de mission auprès d’Emmanuel Macron qui pose question.

Ses relations avec l’Élysée, sollicitation ou vengeance ?

Le nouveau volet de l'"affaire Benalla" concerne son rôle et ses activités depuis qu’il a été démis de ses fonctions en juillet. Sa présence au Tchad quelques jours seulement avant la visite d’Emmanuel Macron pose question. L’ancien chargé de mission était-il venu préparer le terrain pour le président ? Une hypothèse balayée par l’Élysée après les premières révélations de presse. "Quelles que soient les démarches qu'entreprend Alexandre Benalla, il n'est pas un émissaire officiel ou officieux de la présidence de la République. S'il se présentait comme tel, il est dans le faux", avait assuré l’Élysée.

La présidence avait également assuré ne plus entretenir aucun contact avec l'ancien chargé de mission depuis son licenciement cet été, après sa mise en cause pour des violences le 1er Mai. Une version mise à mal par Alexandre Benalla lui-même. Dans son entretien à Mediapart, publié dimanche, il affirme s’être entretenu régulièrement avec Emmanuel Macron (et d’autres membres de la présidence) ces derniers mois, via la messagerie Telegram. "Nous échangeons sur des thématiques diverses. C'est souvent sur le mode 'comment tu vois les choses ?'. Cela peut aussi bien concerner les 'gilets jaunes', des considérations sur untel ou sur untel ou sur des questions de sécurité", précise-t-il.

"On continue à me solliciter". Alexandre Benalla - qui avait expliqué au Monde s’être reconverti dans le "consulting", principalement en Afrique - assure également qu’il rend compte de ses déplacements au chef de l’État ou à son entourage. "J’explique que j’ai vu telle personne, je détaille les propos qui m’ont été rapportés et de quelle nature ils sont. Après, ils en font ce qu’ils veulent. Y compris le président de la République, qui est informé en direct", indique-t-il. L’ancien chargé de mission ajoute qu’il "aurait pu claquer la porte" mais qu’"on continue à (le) solliciter".

Ces déclarations ont fait bondir l’Élysée, qui s’est fendu lundi d’un communiqué tranchant. "Nous ne souhaitons pas poursuivre un dialogue par presse interposée avec Alexandre Benalla qui se venge de son licenciement pour faute grave en entretenant tout un faisceau de contrevérités et d'approximations", a déclaré la présidence. Souhaitant en revenir "aux faits", elle a assuré de nouveau qu'Alexandre Benalla "n'a tenu l'Élysée au courant d'une partie de ses déplacements que le 20 décembre, c'est-à-dire après que des journalistes aient appris l'existence de son déplacement au Tchad", tout en reconnaissant de possibles échanges avec Emmanuel Macron.

Les passeports diplomatiques, un jeu du chat et de la souris

Alexandre Benalla est revenu sous le feu des projecteurs le 26 décembre, quand Le Monde a révélé que l’ancien collaborateur de l’Élysée s’était rendu au Tchad début décembre pour rencontrer des proches du président Idriss Déby, quelques jours seulement avant la visite officielle d’Emmanuel Macron à N’Djamena. Le lendemain, Mediapart précisait que, lors de plusieurs déplacements en Afrique et en Israël, Alexandre Benalla avait utilisé les deux passeports diplomatiques qui lui avaient été remis quand il travaillait à l’Élysée.

Benalla a-t-il vraiment rendu ses passeports ? L’ancien chargé de mission auprès du président a reconnu dimanche s'être servi de ses passeports diplomatiques "par confort personnel, pour faciliter (son) passage dans les aéroports". "En aucun cas je ne les ai utilisés pour mes affaires. Je ne vois d'ailleurs pas à quoi ils auraient pu me servir", a-t-il expliqué au Journal du Dimanche. Le fait qu’Alexandre Benalla soit toujours en possession de ces documents officiels interroge. Le Quai d’Orsay a assuré avoir demandé à deux reprises à Alexandre Benalla de restituer les passeports, par le biais de lettres recommandées le 26 juillet puis, en l’absence de réponse, le 10 septembre. L’Élysée a, de son côté, renvoyé vers le ministère des Affaires étrangères sur cette question.

Alexandre Benalla assure avoir rendu les passeports aux services de l'Élysée fin août, comme demandé, mais qu'ils lui auraient ensuite été retournés avec d'autres effets personnels dans une pochette, début octobre, par un "membre de la présidence" lors d'un rendez-vous près du palais présidentiel. "Tu ne fais pas de bêtises avec", lui aurait simplement dit cet interlocuteur, selon les propos rapportés par Alexandre Benalla, à Mediapart. Des faits niés par l’Élysée, qui assure n’avoir pas détenu les passeports depuis le licenciement de l’intéressé. Le Quai d'Orsay a lancé une procédure d'annulation des deux documents diplomatiques, retardée pour des raisons techniques.

Enquête ouverte. Ce duel à distance entre la présidence et Alexandre Benalla pourrait se régler sur le plan judiciaire puisque le parquet de Paris, saisi par Jean-Yves Le Drian, a ouvert samedi une enquête préliminaire pour "abus de confiance", "usage sans droit d'un document justificatif d'une qualité professionnelle" et "exercice d'une activité dans des conditions de nature à créer dans l'esprit du public une confusion avec l'exercice d'une fonction publique ou d'une activité réservée aux officiers publics ou ministériels".