Comprendre l’affaire des assistants parlementaires du MoDem en 5 questions

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Le témoignage d'un ancien collaborateur parlementaire met le MoDem en mauvaise position. © DENIS CHARLET / AFP
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avec AFP , modifié à
Le témoignage d’un ancien collaborateur parlementaire du MoDem laisse planer un soupçon d’emploi fictif et a conduit la justice à ouvrir une enquête.

Le parquet de Paris a annoncé vendredi l'ouverture d'une enquête préliminaire après le signalement à la justice par un ex-collaborateur du MoDem sur la réalité de son emploi comme assistant parlementaire auprès de l'ancien eurodéputé Jean-Luc Bennahmias. Europe 1 fait le point sur cette affaire qui pourrait embarrasser la majorité présidentielle avant le premier tour des législatives.

  • De quoi parle-t-on ?

Tout part du témoignage anonyme d’un ancien employé du MoDem. Embauché en CDI par le parti centriste en 2010, il a affirmé à la justice avoir été rémunéré en 2011 sur l’enveloppe parlementaire de l’eurodéputé du sud-est Jean-Luc Bennahmias (élu de 2004 à 2014). Seulement, selon Le Point, il assure n’avoir "jamais" travaillé pour lui "en particulier". D’après Le Parisien, le MoDem avait embauché l’homme pour un contrat de permanent à temps plein, avant de lui soumettre peu après un avenant de détachement stipulant qu’il travaillerait comme collaborateur parlementaire à temps partiel de Jean-Luc Bennahmias, à Strasbourg.

A la justice, il a dit exercer "l’intégralité de ses fonctions au siège du MoDem", rue de l’Université à Paris et n’avoir "jamais mis les pieds dans la circonscription d’élection du député  européen, à savoir Marseille, pas plus qu’au Parlement européen". Dans son signalement, l’ex-collaborateur du MoDem critique "l’opacité qui entourait, selon lui, la prise en charge des salaires au sein de la formation centriste, via le Parlement européen".

  • Y a-t-il un rapport avec les soupçons qui pèsent sur Marielle de Sarnez ?

Le 22 mars, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire après le signalement de Sophie Montel, eurodéputée Front national qui dénonçait des cas d’assistants de ses collègues français cumulant leur travail au Parlement avec des fonctions politiques. Parmi, les 19 eurodéputés français visés, deux sont membres du MoDem : Marielle de Sarnez (élue de 1999 à 2017) et Robert Rochefort (en fonction depuis 2009).

L’actuelle ministre des Affaires européennes fait partie de la "liste" du Front national car Philippine Laniesse aurait été à la fois son assistante parlementaire au Parlement européen (mais basée à Paris), conseillère régionale et élue municipale dans le 19ème arrondissement de Paris. Rien d’illégal en soi, mais l’enquête doit déterminer si son travail au Parlement relève de l’emploi fictif ou non.

Pour l’instant, aucun lien n’est établi entre ce qui est reproché à Jean-Luc Bennahmias et à ses deux ex-confrères du MoDem (il a quitté le parti en 2013). Mais cela pourrait changer. France Inter affirme avoir mis au jour "un ‘système’ de financement des salariés du MoDem par ses parlementaires : sur la période 2009-2014, une dizaine de salariés du siège du parti auraient été parallèlement collaborateurs des députés européens du Modem".

  • Que risque le MoDem ?

Le parquet de Paris a ouvert vendredi une enquête préliminaire pour "abus de confiance et recel de ce délit", le même titre que l’enquête visant les 19 eurodéputés ouverte en mars. Au pénal, la peine maximale encourue pour ce type de délit est de trois ans de prison et 375.000 euros d’amende. Mais s’il est avéré, comme le laisse entendre France Inter, qu’un "système" a été mis en place par le MoDem, d’autres chefs d’accusation pourraient être ajoutés. C’est le cas dans l’enquête sur les assistants parlementaires du Front national, qui soupçonne l’existence d’un "système frauduleux". Une instruction judiciaire a été ouverte pour "abus de confiance, de recel d’abus de confiance, d’escroquerie en bande organisée, de travail dissimulé, de faux et usage de faux".

  • François Bayrou peut-il être inquiété ?

Cette affaire fragilise François Bayrou à double titre : en tant que président du MoDem et ministre de la Justice porteur d’une loi de moralisation de la vie politique. Il ne s’est pas encore exprimé publiquement mais le Premier ministre est monté au créneau vendredi pour le défendre. "Je ne crois pas que sa position soit fragilisée", a déclaré Édouard Philippe sur Europe 1. "Je ne vais pas commenter les révélations et les lettres de dénonciations formulées ici et là", a écarté le Premier ministre.

"Primo, j'ai fixé les règles s'agissant de la participation des ministres au gouvernement", à savoir qu'un ministre mis en examen devrait quitter le gouvernement. Deuxio, nous nous sommes engagés sur un texte extrêmement ambitieux de rétablissement de la confiance dans l'action publique, c'est le texte qui est porté par le garde des Sceaux qui va profondément changer la donne. C'est ça qui m'intéresse", a poursuivi Édouard Philippe.

  • Comment réagissent les intéressés ?

Le MoDem a réagi jeudi dans un communiqué. Le parti affirme avoir "respecté toutes les règles et toutes les obligations d'un employeur". "Des témoignages présentés comme ‘anonymes’ cherchent à accréditer l'idée que le MoDem n'aurait pas respecté dans le traitement de ses collaborateurs les règles françaises et européennes", déplore le parti présidé par François Bayrou. "Ces collaborateurs à temps partiel ont pu avoir, en même temps, d'autres contrats également à temps partiel auprès de parlementaires européens. Rien n'est plus normal et plus légal qu'un tel partage d'activité". Pour évacuer les soupçons, le MoDem a mis à disposition de la justice tous les contrats de travail et les bulletins de salaire liés à l’affaire.

Jean-Luc Bennahmias a également tenu à s’expliquer. "Il dit qu’il n’a jamais travaillé pour moi ! Il a dû oublier", a réagi l’ex-candidat à la primaire de la gauche pour la présidentielle. Son collaborateur était, selon lui, employé à "temps très partiel" entre "fin 2010 et fin 2011". "Il répercutait le travail que je faisais au Parlement européen sur le site Internet du MoDem" et était en relation avec "mes autres assistants parlementaires à Bruxelles et à Marseille", a-t-il précisé.