François de Rugy est critiqué pour des dîners fastueux organisés à l'hôtel de Lassay, lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale. 2:27
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Thibaud Le Meneec, avec Jean-Rémi Baudot et AFP , modifié à
François de Rugy a été mis en cause par Mediapart pour des dîners organisés à l'hôtel de Lassay, lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale.
ON DÉCRYPTE

François de Rugy est en difficulté. Mercredi matin, Mediapart a affirmé que le ministre de la Transition écologique avait, lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale, organisé plusieurs dîners fastueux à l'hôtel de Lassay, via les deniers publics. Après la publication de cet article, photos à l'appui, le ministre a dit "assumer" ces dîners. Mais s'il conserve la "confiance" d'Emmanuel Macron, dixit la porte-parole du gouvernement, l'ancien écologiste est très vivement critiqué par l'opposition. Europe 1 fait le point sur cette polémique qui embarrasse le ministre et l'exécutif dans son ensemble.

Que trouve-t-on dans l'article de Mediapart ?

L'article de Mediapart paraît vers 8 heures. Son titre : "La vie de château sur fonds publics des époux de Rugy". Avec plusieurs photos à l'appui, le site d'investigation assure que François de Rugy et sa femme ont multiplié "aux frais de la République, de somptueuses agapes entre amis dignes de grands dîners d'État". Mediapart liste une dizaine de dîners privés, réunissant 10 à 30 participants, organisés entre octobre 2017 et juin 2018 dans les salons de l’hôtel de Lassay, la résidence officielle du président de l’Assemblée nationale. On y voit des homards, du champagne, des grands vins issus des caves de l'Assemblée nationale et valant pour certains plusieurs centaines d'euros.

Comment le ministre se défend-il ?

À Mediapart, François de Rugy a expliqué qu'il s'agissait de "dîners informels liés à l'exercice de ses fonctions". Tout au long de la journée, il a ensuite martelé que ces rendez-vous rentraient dans le cadre d'une tâche de représentation, où il rencontrait notamment des personnalités issues de la société civile, des grands patrons, des intellectuels, des artistes… Pour lui, c'était une manière de "garder le contact avec la société". Il se défend d'avoir organisé des dîners "people" mais parle plutôt d'une dizaine de "dîners de travail" en quelques mois.

François de Rugy a notamment réagi à la parution de photos d'une soirée de Saint-Valentin, où le ministre apparaît à une table parsemée de pétales de rose : "Je trouve ça assez anecdotique. Ce qui m'est reproché, c'est qu'il y avait des pétales de roses sur une nappe blanche. C'était quelques chose d'inopportun, un dîner à deux dans le salon du rez-de-chaussée de l'Assemblée au lieu d'être dans la salle à manger du premier étage de l'Assemblée. Ça n'a pas coûté un euro à l'Assemblée nationale."

Quelle est l'attitude de l'opposition ?

Sans surprise, l'opposition a critiqué l'organisation de ces rendez-vous, qu'elle juge opaque, comme le faste des menus. "Je remercie l’écologiste de châteaux pour les conseils de vertu et d’exemplarité qu’il nous a conférés comme Président de l’Assemblée", a taclé l'Insoumis Adrien Quatennens. "Pendant qu’il mangeait du gros homard arrosé de bon vin, je m’employais à scanner mes tickets de caisse de la pizzeria d’en face." "Très en colère", le député LR Julien Aubert a demandé "la transparence sur les dépenses 'professionnelles'" de François de Rugy, évoquant sa "tartuferie".

La députée Delphine Batho a pour sa part demandé la démission du ministre. "L'argent public n'est pas fait pour organiser des dîners privés fastueux", a dénoncé l'ancienne ministre de l'Écologie de François Hollande. "On est sur une débauche de moyens pour des dîners avec des amis qu'il qualifie lui-même d'informels. Ce n'est pas de la représentation et d'ailleurs beaucoup de ceux qui ont exercé des fonctions officielles n'ont jamais eu ce type de pratiques aux frais de l'Assemblée nationale et de l'État", a-t-elle asséné. 

Comment réagissent le gouvernement et la majorité ?

À l'issue du Conseil des ministres, Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement, a affirmé que François de Rugy conservait la confiance du président et du Premier ministre. Officiellement, donc, il n'est pas question d'une démission. Mais cette polémique trouble certains membres de l'équipe gouvernementale, qui expliquent à Europe 1 que ces photos étaient connues depuis longtemps. "Pourquoi sortent-elles aujourd'hui ?", s'interroge-t-on. Mercredi, le ministre a présenté avec sa secrétaire d'État, Brune Poirson, une loi sur l'économie circulaire et la lutte contre le gaspillage. Le timing de cette affaire est donc l'une des questions en suspens après la publication de l'article de Mediapart.

Une grande partie de la majorité a, logiquement, défendu le ministre. Mais dans les rangs de la Macronie, certains se sont montrés peu amènes avec ce comportement. "C'est scandaleux cette histoire. C'est précisément ce que nous ont reproché les gilets jaunes ! Cela risque d'accréditer l'idée que les ministres sont pleins aux as et se gavent en profitant de l'argent public. Symboliquement, c'est très lourd", peste auprès du Monde un cadre de LREM, pour qui le ministre peut "difficilement rester" en fonction.