anne et mazarine pingeot 6:51
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Alexis Patri , modifié à
Dans le cadre d'une émission d'"Historiquement vôtre" consacrée aux "double-foyers", Stéphane Bern et Matthieu Noël recevaient l'éditorialiste et journaliste politique Catherine Nay, venue raconter les coulisses de la double-vie de François Mitterrand. "Je pense que Mitterrand a été le dernier président à pouvoir vivre selon sa guise, à sa liberté, sans être trahi, ni poursuivi par les médias", théorise-t-elle
INTERVIEW

C'est l'histoire l'histoire de la double-vie la plus célèbre de l'histoire politique française. L'éditorialiste d'Europe 1 Catherine Nay revient, dans l'émission Historiquement vôtre, sur la relation cachée entre François Mitterrand et Anne Pingeot, dont Mazarine Pingeot est la fille.

Une discrétion toute relative

Selon Catherine Nay, la relation extra-conjugale, révélée en 1994, n'a pourtant pas toujours été très discrète. "Tous les journalistes l'on su à l'orée des années 1980, souvent avant même son élection" estime-t-elle. "Je me souviens qu'en 1976, je déjeunais à Saint-Germain-des-Prés, et à une table à côté, il y avait Mitterrand avec une jeune femme brune, un jeune garçon (j'ai su après que c'était le jeune frère d'Anne Pingeot), et une poupée qui devait avoir 15 ou 16 mois. C'était Mazarine."

Mais ces rendez-vous en plein jour ne laissaient pas imaginer que François Mitterrand était le père de la jeune fille. "On sentait un amour fou entre Mitterrand et l'enfant, tout le monde regardait, mais personne ne pouvait penser à l'époque que cette petite fille était une vendange tardive du candidat de la gauche", sourit-elle. 

C'est plus tard que les journalistes ont commencé à avoir des doutes. "A l'arrivée des années 1980, quand on voyait les socialistes, on disait : 'C'est bizarre, quand on monte en voiture avec le Premier secrétaire, il y a un jouet de canard en plastique à l'arrière, qu'est ce que ça fait là ?'", raconte Catherine Nay. "En 1980, on savait qu'il y avait cette vie double. Mais personne n'en parlait."

Le silence des médias de l'époque

Cette omerta parmi les médias s'est, selon Catherine Nay, imposée d'elle-même. "Je pense que Mitterrand a été le dernier président à pouvoir vivre selon sa guise, à sa liberté, sans être trahi, ni poursuivi par les médias", théorise-t-elle, évoquant chez les journalistes de l'époque "une autocensure".

L'éditorialiste se souvient ainsi avoir surpris en 1983 celui qui est alors président de la République, dans un magasin de chaussures pour enfants, en compagnie d'Anne et Mazarine Pingeot. "Il n'y avait à l'époque pas les portables pour faire une photo", rappelle-t-elle. "Si j'avais appelé un photographe, qui aurait publié la photo ? Personne. Il n'y avait pas la presse people, il n'y avait pas les réseaux sociaux."

Lorsqu'elle publie en 1984 Le noir et le rouge, qui raconte l'ascension de François Mitterrand, Catherine Nay tait l'existence de Mazarine Pingeot. "Il y avait un consensus entre journalistes et politiques : on ne parlait pas de la vie privée", justifie-t-elle. "Les temps ont changé : ne pas en parler dans mon livre aujourd'hui serait une faute".

Mitterrand-Pingeot : une correspondance enflammée

Il aura fallu quelques années à François Mitterrand pour se rapprocher d'Anne Pingeot, dans une attitude que Catherine Nay n'hésite pas à qualifier de "prédatrice". "C'est le père qui jouait au golf avec Mitterrand à Hossegor, qui lui a dit 'Ma fille va faire ses études à Paris, gardez un d'œil sur elle'", révèle l'éditorialiste politique.

"Il commence à lui écrire en 1962. Elle a 19 ans. Et puis, en 1963, un peu plus. Il envoie des livres. Il veut discuter, se promener", raconte Catherine Nay. "Puis, peu à peu, vers la fin 1963, il lui dit 'Comme je me sens bien avec vous', 'Quinze jours sans vous voir, c'est le malheur'. En 1964, il lui écrit pratiquement trois fois par semaine et on sent que l'homme lui fait part de son désir."

Catherine Nay pointe que le ton des lettres change, une fois le prétendant et la jeune femme unis : "Ce qui est très drôle, c'est qu'en avril ou en mai 1964 (Anne a 21 ans, c'est-à-dire qu'elle est majeure), ils font une soirée. Je pense que c'est là la première fois qu'elle se donne à lui. Et dès le lendemain, dans les lettres, il ne lui dit plus 'vous', il lui dit 'tu'. Je trouve ça extraordinaire !" Un trait d'humour que l'éditorialiste nuance cependant : "Mitterrand a été un prédateur, il l'a vraiment cherché."

Une révélation bien orchestrée

La relation extra-conjugale entre Anne Pingeot et François Mitterrand, ainsi que l'existence de Mazarine Pingeot, sont révélées au grand public en 1994. L'information secoue la population et la classe politique.

Mais, pour Catherine Nay, celui qui n'a pas été surpris est le premier intéressé lui-même. "Mitterrand a choisi lui-même Paris-Match pour officialiser en 1994 l'existence de Mazarine, avec cette photo soi-disant volée, mais tout à fait arrangée", explique-t-elle. "Il l'a voulu à l'époque, et il l'a orchestré."