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avec AFP , modifié à
La Première ministre Élisabeth Borne engage pour la quatrième fois la responsabilité du gouvernement en actionnant l'article 49.3 de la Constitution sur l'ensemble du budget en première lecture. Peu après ce recours au 49.3, les députés LFI ont déposé une nouvelle motion de censure contre le gouvernement.

Élisabeth Borne a engagé mercredi sa responsabilité devant l'Assemblée nationale pour la quatrième fois en 15 jours, pour conclure un premier chapitre de débats budgétaires entachés de revers pour le camp présidentiel. "Puisque les conditions d'un dialogue constructif ne sont plus réunies (...), nous devons réagir", a justifié Élisabeth Borne dans l'hémicycle, déserté avant qu'elle ne prenne la parole par les députés LFI tandis que ceux du camp présidentiel l'accueillaient debout.

Ce nouveau recours à l'article 49.3 de la Constitution, dont l'ombre planait depuis plusieurs jours sur les députés, met fin aux débats sur la partie "dépenses" du projet de budget de l'Etat pour 2023, loin d'être arrivés à leur terme.

L'examen des crédits budgétaires des collectivités s'annonçait explosif

Parmi les crédits budgétaires qui restaient à examiner figuraient notamment ceux des collectivités locales. Ils promettaient un débat explosif dans l'hémicycle, et le gouvernement, privé de majorité absolue, risquait de s'exposer à de nouvelles déconvenues lors des votes. Avec ce nouveau 49.3, le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 sera considéré comme adopté sans vote en première lecture par l'Assemblée, sauf si une motion de censure était adoptée dans les prochains jours, une hypothèse hautement improbable. Le texte passera ensuite au Sénat.

La première partie du PLF et le projet de budget de la Sécu ont déjà été adoptés à l'Assemblée avec la même méthode décriée. Et les motions de censure dégainées pour y répliquer ont toutes échoué, même celles votées conjointement par le RN et la Nupes (LFI, PS, EELV, PCF), faute de soutien des députés LR.

Une nouvelle motion de censure déposée par LFI

Peu après, les députés LFI ont déposé une nouvelle motion de censure contre le gouvernement. "Une telle répétition (du 49.3) illustre le mépris du pouvoir pour le travail parlementaire, une incapacité à convaincre et une utilisation de plus en plus autoritaire des mécanismes de la Ve République", dénoncent les députés dans cette motion de censure. Pour eux, ce 49.3 actionné mercredi après-midi "s’ajoute à la pratique du mensonge généralisé pour discréditer l’opposition des parlementaires face à ces coups de force répétés".

"Le gouvernement cherche ici à masquer l’austérité généralisée pour le logement, la solidarité nationale, les services publics, l’école ou l’égalité entre les femmes et les hommes", ont encore critiqué les députés LFI.

Le RN va-t-il soutenir la motion de LFI ?

Le scénario devrait se répéter une quatrième fois, entouré des mêmes questions : la motion que LFI a immédiatement annoncé vouloir déposer aura-t-elle une nouvelle fois le soutien du RN? Le camp présidentiel avait critiqué une "collusion" avec l'extrême droite. Le groupe RN décidera jeudi s'il en dépose également une. "Pas de 'changement de méthode', toujours le même déni démocratique", a déjà tweeté Marine Le Pen.

Au sein de la Nupes, partagée sur la stratégie à adopter, le soutien à cette nouvelle motion déposée seulement par LFI s'érodera-t-il encore? Lundi, 22 voix des alliés de gauche avaient fait défaut lors du vote de la motion des Insoumis sur le budget de la Sécu, dont celles du patron du PCF Fabien Roussel et de la socialiste Valérie Rabault.

Une "aberration", selon l'ancien candidat LFI à la présidentielle Jean-Luc Melenchon, jugeant que "sous prétexte de 'refuser les voix RN', ils finissent en fait, sans oser le dire, par soutenir le gouvernement Macron en refusant sa chute". Ce nouveau 49.3 remet également sur la table la question sensible des amendements que le gouvernement va retenir ou écarter dans le texte qu'il veut faire passer, parmi ceux adoptés par l'Assemblée nationale contre son avis - il a carte blanche en la matière.

Le gouvernement n'effacera pas tout

La Première ministre a assuré que le gouvernement n'effacerait pas tout d'un trait de plume, citant parmi les amendements qui seraient retenus certains "de ceux adoptés lors de l'examen des crédits de la mission outre-mer". Elle a aussi cité "7 milliards d'euros supplémentaires pour la protection des entreprises et des collectivités face à la hausse des prix de l'énergie" ou encore "la revalorisation des salaires" des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).

Mais pas de trace des amendements des écologistes et du PS, qui avaient rajouté un total de près de 12 milliards d'euros à la rénovation thermique des logements, avec le soutien du RN. Vêtus de gilets orange et entourés d'un important dispositif policier, des militants écologistes avaient bloqué la circulation mercredi devant l'Assemblée pour demander à l'exécutif de conserver ces mesures.

"Vous avez bouleversé les équilibres du texte"

"Avec 15 milliards d'euros de dépenses nouvelles, ponctionnées sur des programmes essentiels, vous avez profondément bouleversé la cohérence et les équilibres du texte", a dit Élisabeth Borne mercredi, pointant un RN et une Nupes "alliés une nouvelle fois" autour de ces mesures onéreuses, qui justifient selon elle son nouveau recours au 49.3.

Ces amendements auraient notamment pour conséquence d'"abolir", en le privant de financement, le "bouclier tarifaire", cette mesure phare du premier projet de budget de l'Etat du nouveau quinquennat, devant limiter à 15% les hausses des prix réglementés du gaz et de l'électricité. Ce budget, que la droite trouve trop dispendieux et la gauche pas assez ambitieux, prévoit aussi une augmentation de rémunération pour les enseignants ou la création de plus de 10.000 postes de fonctionnaires.