Iran : "Il est temps que l'Europe se dote des mêmes instruments que les Etats-Unis pour défendre ses intérêts économiques", selon Bruno Le Maire

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Ugo Pascolo , modifié à
Pour le ministre de l'Economie et des Finances, il est temps que l'Europe "passe des paroles aux actes" et s'organise pour défendre ses intérêts économiques.
INTERVIEW

"Voulons-nous être des vassaux des Etats-Unis qui obéissent le doigt sur la couture du pantalon ?" Invité d'Europe 1 matin vendredi, Bruno Le Maire, Ministre de l'Economie et des Finances a plaidé, comme Emmanuel Macron, pour la mise en place d'une "souveraineté économique européenne", après le retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien

Trois pistes de travail. "Nous travaillons sur trois propositions pour affirmer la souveraineté européenne face aux sanctions extraterritoriales américaines", a révélé Bruno Le Maire. "Tout d'abord, renforcer le règlement européen de 1996 qui permet de condamner les sanctions extraterritoriales, en y incluant les dernières décisions prises par les Etats-Unis". "Puis, sur l'indépendance financière européenne, réfléchir comment doter l'Europe d'instruments financiers pour être indépendant par rapport aux Etats-Unis", dévoile-t-il. "Enfin, pourquoi ne pas faire comme aux Etats-Unis ? Avec un bureau de contrôle des actifs étrangers qui permet au ministre des Finances américaines de suivre les activités des entreprises étrangères qui ne respecteraient pas les décisions prises par les Etats-Unis, de les condamner et de les poursuivre", déroule le ministre de l'Economie et des Finances. 

Entendu sur europe1 :
Il y a urgence à passer des paroles aux actes

Défendre les intérêts économiques européens. A court terme, pour éviter que les entreprises françaises implantées en Iran ne paient 10 milliards d'euros d'amendes, "j'ai appelé mon homologue américain [le Secrétaire du Trésor américain, Steven Mnuchin, ndlr], et je lui ai demandé soit des exemptions pour un certain nombre de nos entreprises, soit des délais plus longs", dévoile Bruno Le Maire au micro d'Europe 1. "Le Secrétaire au Trésor doit répondre à ces inquiétudes européennes et françaises, parce que des entreprises comme Total, Renault et Sanofi sont implantées en Iran, et nous voulons défendre nos intérêts économiques", a-t-il martelé.

 

"Tirer les conclusions". En attendant la réponse officielle de Steven Mnuchin, Bruno Le Maire appelle à aller plus loin. Avec "tous nos alliés européens, nous discutons collectivement avec les Etats-Unis pour obtenir de leur part des règles différentes concernant les entreprises européennes en Iran, mais "il faut que, de notre côté, nous travaillions entre Européens à la défense de notre souveraineté économique". "Voulons-nous que les Etats-Unis soient le gendarme économique de la planète ? Ou voulons nous, nous Européens, dire : 'Nous avons des intérêts économiques, nous voulons continuer à faire du commerce avec l'Iran dans le cadre d'un accord stratégique. Nous estimons que c'est la voie juste et donc nous continuons'". "Il est temps que tous les Etats européens ouvrent les yeux", a renchéri Bruno Le Maire. "Quand Angela Merkel dit à Emmanuel Macron [lors du prix européen Charlemagne, à Aix-la-Chapelle, ndlr], que l'on ne peut plus compter sur les Etats-Unis pour nous défendre, ça veut aussi dire commercialement. Donc à nous d'en tirer toutes les conclusions."

"Passer des paroles aux actes". Sur le cas de l'Iran, "j'espère une prise de conscience, on va se battre pour avancer dans la direction de la souveraineté économique européenne", a rajouté le ministre de l'Economie et des Finances. "J'espère que tous nos partenaires vont prendre conscience de la gravité de ce qu'il se passe. Je reçois tout à l'heure mon homologue néerlandais [Jeroen Dijsselbloem, ndlr], et cela va être notre premier sujet de discussion", a-t-il révélé. "Fin mai, je réunirai le ministre des Finances britannique, le ministre des Finances allemand, et à trois, nous allons regarder ce que nous pouvons faire en réponse à ces décisions américaines sur l'extraterritorialité", dévoile le ministre. "Il y a urgence à passer des paroles aux actes".