Assemblée nationale 1:22
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avec AFP // Crédits photo : Ludovic MARIN / AFP
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a rapporté qu'il voulait "en finir avec le totem de l'aide contre la pauvreté qui, parce que sans contrepartie, serait, par essence, meilleure que toutes les autres". Alors que finalement, elle "enferme une large partie de ceux qui en bénéficient dans la misère et la précarité".

Les députés ont entamé lundi l'examen dans leur hémicycle du projet de loi "pour le plein emploi", farouchement combattu par la gauche, marquant le coup d'envoi d'une semaine de rentrée chargée qui pourrait voir le déclenchement d'un premier 49.3 sur un autre texte. La gauche, vent debout contre des mesures jugées "infantilisantes" à l'égard des plus précaires comme les allocataires du RSA, a défendu en vain une "motion de rejet" du texte, largement repoussée (148 voix contre 62).

 

Activités obligatoires

"Il faut en finir avec le totem de l'aide contre la pauvreté qui, parce que sans contrepartie, serait, par essence, meilleure que toutes les autres", a lancé le ministre du Travail, Olivier Dussopt, qui porte ce texte adopté en première lecture au Sénat. "C'est d'être accompagnés globalement, d'être insérés par le travail dont ont besoin les plus fragiles", a-t-il fait valoir, lançant à l'adresse des Insoumis : "Ne parlez pas de travail, vous ne connaissez pas". Pour atteindre l'objectif emblématique d'un taux de chômage à 5% d'ici à 2027, son texte propose notamment de mieux coordonner les multiples acteurs du service public de l'emploi. Avec en clé de voûte un Pôle Emploi rebaptisé "France Travail" - même si le Sénat veut le maintien du nom actuel de l'opérateur - et une organisation en réseau pour améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi.

La priorité est de mieux cibler les personnes les plus éloignées de l'emploi, en particulier les bénéficiaires du RSA, pour un "accompagnement plus personnalisé et plus intensif". Ces allocataires, comme les jeunes suivis par les missions locales, seraient désormais placés sur la liste des demandeurs d'emploi, dont tous les inscrits signeraient un "contrat d'engagement".  Ce contrat inclurait de nouveaux "devoirs", qui hérissent à gauche, mais que la droite souhaite au contraire durcir. "Nous pensons qu'en face du RSA, il doit y avoir des contreparties", a défendu le député LR Philippe Juvin.

Le Sénat, majoritairement à droite, avait inscrit l'obligation d'accomplir de "15 à 20 heures" hebdomadaires d'activités. Mais les députés ont précisé en commission que cela ne s'appliquerait que "si cela s'avère adapté à la situation particulière du demandeur d'emploi". "Il ne s'agit évidemment pas de travail gratuit, ni de bénévolat obligatoire, mais bien d'activités d'insertion et de formation pour permettre le retour à l'emploi", souligne Olivier Dussopt. Les députés de gauche sont aussi vent debout contre la nouvelle sanction de "suspension-remobilisation". Elle permettrait de suspendre le versement d'une allocation à une personne ne respectant pas ses obligations, ajoutant un palier avant la radiation.

Rôle des collectivités

"À quel moment vous êtes vous dit qu'on aidait une personne en la plongeant dans la misère ?", a interrogé le député LFI Hadrien Clouet. Ce texte est "un nouveau texte de guerre sociale", a renchéri le communiste Pierre Dharréville. Le RN, également hostile à l'obligation chiffrée d'activité hebdomadaire, tacle la "complexité" de la nouvelle gouvernance prévue pour le réseau des acteurs de l'emploi.

Le rôle des collectivités devrait animer une partie des débats. LR déplore "une sorte de recentralisation larvée" du service public de l'emploi, quand le gouvernement assure qu'"aucune disposition ne remet en cause une seule compétence des collectivités". Également dans le viseur de la droite, des mesures sur l'"accueil du jeune enfant", pour lequel les communes sont érigées en autorités organisatrices.

À l'Assemblée nationale, l'examen devrait déborder sur la session ordinaire à partir du 2 octobre. Après une première année de législature houleuse, des élus de tous bords confient s'attendre à une rentrée du même acabit. À l'horizon, la bataille des budgets dès mi-octobre, et la ribambelle de 49.3 que s'apprête à déclencher le gouvernement pour les faire passer sans vote, faute de majorité absolue.

Le couperet, qui expose le gouvernement à des motions de censure, pourrait même être utilisé dès cette semaine. Pour la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, au menu mercredi et jeudi. Rejeté par l'Assemblée nationale il y a un an en première lecture, ce texte n'a pas la même importance qu'un budget. Mais la France pourrait être privée de près de 18 milliards d'euros de fonds européens en 2023 et 2024 s'il n'est pas adopté, affirme le gouvernement.