Après la folle journée de mercredi, l'impossible campagne de Fillon

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François Fillon a fait comme si de rien était, mercredi, au Salon de l'agriculture. En dépit d'une visite mouvementée.
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Après avoir annoncé sa prochaine convocation devant les juges en vue d'une mise en examen, le candidat ne se déplace plus que cerné par des gendarmes. Et paraît très affaibli politiquement.

Des applaudissements recouverts par les huées, des "Fillon président" qui se heurtent aux "Fillon en prison". D'innombrables bousculades entre journalistes et militants, quelques échanges savoureux, à l'instar de ce pro-Fillon qui traite un anti de "révolutionnaire sanguinaire". Et, au beau milieu de cette cohue, un candidat bunkérisé, séparé du public par un épais cordon de forces de l'ordre, arpente les allées sans s'arrêter, passant de stands fermés en stand fermés.

La visite du candidat de droite à la présidentielle au Salon de l'agriculture, mercredi, à 15 heures, a illustré en quelques images seulement ce que promet d'être la suite de sa campagne : un parcours du combattant. En affichant sa détermination, le matin même, martelant qu'il "ne cèderait pas, ne [se] rendrait pas, ne [se] retirerait pas" de la course à l'Élysée en dépit d'une convocation des juges le 15 mars, François Fillon a certes fait preuve de fermeté. Et permis d'orienter le débat sur sa résistance plutôt que sa mise en examen prochaine. Mais le vainqueur de la primaire de la droite apparaît dans l'impossibilité de mener campagne normalement.

Une campagne déjà parasitée. Depuis plusieurs semaines déjà, des proches se plaignaient d'avoir à défendre un candidat inaccessible. Estimaient que l'organigramme pléthorique, et parfois redondant, des équipes de campagne, ne permettait pas de labourer correctement le terrain. D'annulations en reports de meetings, de sifflets en concerts de casseroles au moindre déplacement, sans compter une garde rapprochée qui refuse que François Fillon prenne le train pour éviter de tomber sur des Français mécontents, la campagne était très difficile. La presse aussi se plaignait de n'avoir jamais accès au vainqueur de la primaire. Les derniers rebondissements ne risquent pas d'arranger les choses.

Un candidat inaudible. Plus que jamais, le principe même de la rencontre avec le peuple avant le scrutin est compromis. Encerclé comme il l'est par des gendarmes, François Fillon ne serre plus de mains, ne salue plus personne. Mais au-delà de la forme, c'est le fond de sa campagne qui est parasité. "Elle n'a toujours pas commencé. On devrait être en train de parler de ce que Fillon propose, et on parle de Penelope", souligne le politologue Jérôme Sainte-Marie.

Le candidat, qui a basé une large part de sa campagne sur la transparence et la probité, devient complètement inaudible sur ses sujets. "On voit mal comment il va pouvoir se défendre sur le terrain de la morale politique", souligne ainsi Michèle Cotta, éditorialiste sur Europe 1. Et chaque intervention sur la sécurité, pendant lequel, en candidat de droite classique, il demandera la "tolérance zéro" vis-à-vis de la délinquance, ne pourra qu'occasionner des moqueries.

Politiquement très affaibli. Politiquement aussi, François Fillon est très affaibli. Cela se mesure aux défections au sein de son propre camp, d'abord, avec en premier lieu celle de Bruno Le Maire. L'ancien adversaire de François Fillon à la primaire de la droite, qui était son représentant pour les Affaires européennes et internationales, a claqué la porte mercredi après-midi. "Je crois au respect de la parole donnée", a-t-il justifié, soulignant que le candidat avait promis de se retirer s'il était mis en examen. Dans son sillage, d'autres "lemairistes", notamment le député Franck Riester et le député-maire Arnaud Robinet, ont aussi annoncé leur retrait de la campagne.

Chez les proches de Nicolas Sarkozy, c'est Catherine Vautrin, vice-présidente LR de l'Assemblée nationale, qui a appelé à la désignation d'un "autre candidat" pour la course à l'Élysée. Sébastien Huygue et Pierre Lellouche ont pris leur distance. Quant à l'UDI, qui avait pourtant négocié un accord pour les législatives avec LR le matin même, il a "suspendu" son soutien à François Fillon, en attendant une décision du bureau exécutif du parti centriste la semaine prochaine.

Des silences qui en disent long. Mais les silences en disent tout aussi long sur la fragilité de François Fillon dans sa propre famille politique. Mercredi, il n'y a guère eu que Nadine Morano, conseillère régionale de Lorraine, Serge Grouard, député du Loiret, Bernard Debré, élu de Paris ou des très proches du candidat, comme Valérie Pécresse, Valérie Boyer, Jérôme Chartier et Florence Portelli, pour assurer le service après-vente de sa déclaration. Bernard Accoyer, pourtant secrétaire général des Républicains, ou les lieutenants sarkozystes, à l'instar d'Eric Ciotti, généralement prompt à dégainer, sont restés muets.

Une manifestation "de soutien et de riposte". Comment, dans ces conditions, envisager l'après ? Sur le Salon de l'agriculture, François Fillon a décidé de faire comme si de rien n'était, sans convaincre grand monde. Le candidat s'en remet au soutien populaire et à ce qui est probablement la seule bonne nouvelle de sa journée : il a bien ses 500 parrainages (738 même) déposés au Conseil constitutionnel, ce qui sécurise sa participation à l'élection. C'est le seul candidat à y être parvenu jusqu'ici.  

Pour le reste, la remobilisation, qui est attendue chaque semaine depuis un mois déjà, s'annonce très compliquée. Une manifestation "de soutien et de riposte" est en cours d'organisation dimanche après-midi, à Paris, a confirmé sur Europe 1 Florence Portelli, proche de François Fillon. "Je pense qu'on sera très nombreux. Pas seulement des Républicains, aussi des ténors de l'UDI." La stratégie fillonniste est claire : miser sur la base, le noyau dur des militants, en gageant qu'ils seront sensibles aux arguments soulignant un acharnement judiciaire. Pas sûr que cela suffise.