Emmanuel Macron et Angela Merkel se retrouvent en Bourgogne pour la tournée d'adieu de la chancelière. (Illustration) 3:22
  • Copié
Catherine Nay , modifié à
Après 16 ans à la tête de l'Allemagne, la chancelière Angela Merkel fait une tournée d'adieu en Europe. Le président Emmanuel Macron l'a invitée à dîner mercredi en Bourgogne, et lui remettra les insignes de la grand-croix de la Légion d'honneur. Pour Catherine Nay, la chancelière a bénéficié du système électoral allemand pour accroître sa longévité.
EDITO

Une page de l'histoire de l'Allemagne se tourne en cette fin d'année 2021. La chancelière Angela Merkel fait sa tournée d'adieu en Europe après 16 ans passés à la tête du pays. Pour l'occasion, Emmanuel Macron l'a invitée avec son mari à dîner ce mercredi au clos de Vougeot, en Bourgogne. Le président français lui remettra en outre les insignes de la grand-croix de la Légion d'honneur. Alors que le couple franco-allemand bat de l'aile, Catherine Nay estime sur Europe 1 que la chancelière n'aurait pas pu connaître une telle longévité en France.

"Son éloquence ennuyeuse, monocorde, ne passerait pas chez nous"

"Quatre présidents français : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron. Sur la scène européenne et internationale, Angela Merkel était un repère identifiable avec son look immuable. Pantalon noir et vestes dont elle variait la couleur, un collier changé tous les jours et son sourire en demi-lune. Les Allemands l'appelaient "Mutti" (maman), elle s'en va au zénith de sa popularité et il y aura sûrement un inventaire !

Aurait-elle pu avoir cette longévité chez nous ? Non, mais elle correspondait à la psyché des Allemands. Un électeur sur deux a plus de 60 ans. Ils détestent les ruptures brutales, être bousculés. Ils en ont soupé pour toujours des leaders autoritaires et de leurs furies verbales. Sa marque à elle, c'était la lenteur, la prudence, servies par une éloquence ennuyeuse, monocorde qui ne passerait pas chez nous."

Préservée par le système électoral allemand

L'autre différence par rapport au chef de l'État en France est que la chancelière n'est pas élue au suffrage universel direct. "Elle est l'émanation du Bundestag, le parlement allemand. Patronne du CDU (parti chrétien-démocrate), il lui fallait une majorité absolue. Durant ses quatre mandats, elle a gouverné avec des coalitions différentes. Avoir des partenaires, avec lesquels il fallait un contrat, une feuille de route, cela pouvait prendre du temps, mais la chancelière savait où elle allait.

En Allemagne, c'est un pouvoir fédéral avec les landers qui s'occupent du quotidien des Allemands. Ils sont les déversoirs de leur mauvaise humeur, ce qui préservait Angela Merkel. Tandis qu'en France, un président élu, qui a souvent promis de défaire ce qu'avait fait son prédécesseur, est toujours en première ligne. Il nomme un gouvernement avec des gens qui ne sont pas préparés et les Français exigent des résultats 100 jours après. C'est un système voué à l'échec qui engendre l'instabilité, les frustrations. Et si le président parle tous les jours et de tout, comme s'il était omniscient, il fatigue, et même pire.

La chancelière Angela Merkel a pris des décisions fortes, comme la sortie du nucléaire en 2011 ou l'accueil des Syriens. Quitte à se froisser avec son partenaire français. "C'est un couple d'obligations, donc une fabrique de compromis pour deux pays aux antipodes. L'un a misé sur la compétitivité de son industrie, l'emploi, et il est le deuxième exportateur mondial. Depuis 30 ans, la France a fait le choix de la croissance par la consommation et non la production. Notre périmètre industriel s'est rétréci. Et on achète la paix sociale avec la dépense, les subventions, l'endettement. Cherchez l'erreur !"