Alain Juppé Europe 1 3:29
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Alain Juppé publie un livre sur sa relation de plus de 40 ans avec Jacques Chirac. "C’est une longue amitié qui est singulière, il est rare qu’un président et son Premier ministre se fassent confiance jusqu’au bout", a raconté l’ancien maire de Bordeaux, jeudi soir sur Europe 1.
INTERVIEW

Ils ont formé un couple politique pendant plus de 40 ans. Un peu moins d’un an après la disparition de Jacques Chirac, Alain Juppé publie un livre, intitulé Mon Chirac, une amitié singulière, pour raconter sa relation avec l’ancien président de la République.

"Nous avons travaillé ensemble pendant presque 40 ans : je l’ai connu en 1976 quand il était Premier ministre et je l’ai accompagné jusqu’en 2007 à la fin de son second mandat de président. C’est une longue amitié qui est singulière. Il est rare qu’un président et son Premier ministre se fassent confiance jusqu’au bout", a témoigné Alain Juppé, jeudi soir sur Europe 1.

"Je n’appartenais pas à son cercle intime, il y avait une confiance mutuelle"

Pendant quatre décennies, les deux hommes ont nourri un profond respect mutuel, sans pour autant être des proches. "C’était une amitié qui n’était pas que politique mais aussi très personnelle. Je n’appartenais pas à son cercle intime, c’était un homme pudique. Nous avions des relations qui n’étaient pas très expansives mais il y avait cette confiance mutuelle qui nous a permis de faire des choses ensemble", a relaté l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac entre 1995 et 1997.

L’ancien maire de Bordeaux a tout de même assisté à la mutation d’un "chef de guerre", avide de conquérir le pouvoir dans les années 1980, en un président de la République capable de "hauteur de vue" (1995-2007). "Chirac n’est pas le même en 1976 et à la fin de son mandat présidentiel. Il était alors un chef de guerre à la tête du RPR, il voulait conquérir le pouvoir et mène le combat contre ce qu’on appelait alors le ‘socialo-communisme’. Il avait la réputation d’être excessif et sectaire", s’est souvenu Alain Juppé.

"Puis à l’Elysée ce n’est plus le même homme : il a pris de la hauteur de vue et le temps de la réflexion. J’ai apprécié sa capacité d’action mais aussi sa profonde humanité, c’est ce qui m’a le plus marqué", a salué l’ancien Premier ministre.

"Il avait le sens de l'humour"

Alain Juppé est aussi revenu sur la marionnette des Guignols, qui a longtemps représenté Jacques Chirac en "super menteur". "Les choses ont évolué avec le temps, c'est vrai que les Guignols ne l'ont pas ménagé pendant une certaine période. Mais il avait le sens de l'humour", a assuré l'ancien Premier ministre. "A la fin, le bilan est positif. Cela fait ressortir quelque chose qui est profondément vrai et que j'ai ressenti pendant quatre décennies : il était sympa", a-t-il ajouté. 

"Il avait de la spontanéité, de la rudesse, mais aussi de l'humanité. Il s'intéressait aux gens en difficulté, pas pour être repris par le journal télévisé ou pour la presse, mais parce qu'il y pensait vraiment". 

"Je me suis précipité à son chevet"

Alain Juppé a également raconté les heures qui ont précédé la mort de Jacques Chirac, le 26 septembre 2019. "Ce sont des instants qui marquent dans la vie d’un homme", a-t-il déclaré d’emblée. "Claude Chirac m’avait appelé pour me dire que son père n’allait pas bien et qu’elle me préviendrait. Elle l’a fait, je me suis précipité à son chevet et je suis resté en tête à tête avec lui", s’est remémoré l’ancien Premier ministre. "Il ne parlait pas, c’était un silence extrêmement dense et j’ai vu défiler dans ma tête toutes ces années de travail en commun". 

Mais alors, que voudrait-il dire si Jacques Chirac se retrouvait devant lui ? "Je pense que c'est lui qui parlerait. Il me dirait : 'allons boire un bon gin-feez pour terminer la soirée".