Affaire Fillon : la compétence du parquet national financier en questions

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En plus de répondre sur le fond, François Fillon compte aussi mettre à mal la procédure de l’enquête ouverte à son encontre pour détournement de fonds public. La bataille judiciaire est lancée. 

François Fillon est bien décidé à se battre sur tous les fronts. Lundi, lors d’une conférence de presse soigneusement préparée, le candidat de la droite a répondu sur le fond sur plusieurs affaires le concernant, notamment l’emploi de son épouse et de ses enfants comme assistants parlementaires. Mais il a aussi glissé une petite phrase qui laisse entendre que s’il peut faire invalider la procédure que le Parquet national financier a lancé à son encontre, il ne s’en privera pas. "Mes avocats viennent de signaler au parquet financier qu’il n’était sans doute pas compétent pour se saisir de cette affaire", a-t-il lancé. Ouvrant ainsi un front purement juridique.

A quoi sert le PNF ?

Le parquet national financier a été créé en février 2014 suite à l’affaire Cahuzac. Il est censé traité des affaires de corruption, d’escroquerie, de fraudes fiscales et de blanchiment d’argent les plus complexes, celles qui réclament en théorie des enquêtes longues et fastidieuses. Pour justement que ces investigations prennent moins de temps. Dans les faits, les compétences du PNF sont très larges, puisque son ambition est en fait d’être "une arme contre les délinquants en 'cols blancs'", selon l’expression de sa patronne, Eliane Houlette.

  • Quels sont les arguments du camp Fillon ?

Premier argument : l’affaire Fillon sur l’emploi présumé fictif de son épouse comme assistante parlementaire, sur laquelle portent les investigations du PNF,  "n’est pas une affaire complexe", selon Me Antonin Lévy, l’avocat de l’ex-Premier ministre, interrogé par Le Figaro. Le sous-entendu de ce premier argument, complété par la remarque, plusieurs fois assénée, que le PNF s’est très rapidement saisi de l’affaire, c’est que l’enquête n’est pas dénuée de motivations politiques. Réponse du parquet nationale financier : il s’est saisi avec "la célérité et la sérénité appropriées". Un échange somme toute classique entre un justiciable qui évoque l’instrumentalisation de la justice et une juridiction qui affirme son indépendance.

Le deuxième argument du camp Fillon est plus technique. Selon les avocats du couple, le délit de détournement de fonds publics ne s’applique pas à un parlementaire, puisque celui-ci n’est pas dépositaire de l’autorité publique ni chargé d’une mission de service public, au contraire d’un maire, par exemple. En la matière, pas de jurisprudence, et un certain flou juridique.

Et d’ailleurs, le PNF n’a pas précisément répondu à cette question. Il s’est contenté de rappeler que les investigations avaient été lancées "conformément aux critères de compétence définis par l’article 705 du code de procédure pénale" et que l’enquête se déroulait "dans le strict respect de l’article 11 du code de procédure pénale". Et de conclure son communiqué par cette phrase : "Une décision sur l’orientation de la procédure sera prise lorsque les investigations seront terminées. Il serait hasardeux de préjuger dès à présent de leur issue". En clair, cette question reste à trancher. Et le débat juridique ne fait probablement que commencer.

Le troisième argument a été développé par François Fillon lui-même lundi lors de sa conférence de presse. Il s’appuie sur la séparation des pouvoirs, à savoir l’exécutif, le législatif et le judiciaire. "Personne n'a le droit de juger du contenu des activités de ses assistants parlementaires", a assuré l’ancien Premier ministre. Comprendre : s’il y a contrat de travail, alors le député et le sénateur est seul juge du travail effectué par son collaborateur. Ce n’est pas tout à fait exact, puisque la Commission nationale des comptes de campagne stipule par exemple qu’un assistant parlementaire ne peut pas participer à la campagne électorale de son député ou de son sénateur. Mais il est vrai que là encore, un certain flou persiste. Et là encore, le PNF sera chargé de trancher cette inédite question juridique.

Au-delà d’une crise politique, la ou les affaires Fillon sont aussi les pourvoyeurs de nombreuses questions de droit, qui seront tranchées et feront probablement jurisprudence. Il y aura donc, pour la justice, un avant et un après l'affaire Penelope Fillon.