Micro Assemblée nationale 2000*1000 1:15
  • Copié
Jihane Bergaoui, édité par Romain David
Les victimes de harcèlement moral ou sexuel à l'Assemblée nationale pourront désormais s'en ouvrir à une cellule dédiée. Mais certains, dans les couloirs du Palais Bourbon, doutent de l'efficacité d'un dispositif qui n'aura aucun pouvoir réel, simplement une fonction d'écoute et de conseil.

Les suites du mouvement #MeToo s'étendent de plus en plus au monde politique. L’Assemblée nationale vient de mettre en place une cellule anti-harcèlement moral et sexuel, opérationnelle à parti du 1er février. Ce dispositif était très attendu au sein du Palais Bourbon. Par téléphone ou par tchat, la cellule sera joignable sept jours sur sept, 24 heures sur 24 pour les victimes de harcèlement. Toutefois, de nombreuses réticences subsistent. Pour Catherine*, une collaboratrice à l'Assemblée Nationale interrogée par Europe 1, dans ce lieu de pouvoir où règne l'impunité, cette cellule ne va pas davantage libérer la parole des femmes.

"Quand il s’agit d’un député de la Nation, pas d’un simple patron, cela ajoute une pression supplémentaire vis-à-vis de notre carrière", explique-t-elle. "Nous ne sommes pas protégées, on dépend des ces personnes qui se permettent d’envoyer des messages à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, après un passage arrosé à la buvette parlementaire", poursuit Catherine. Et les messages ne sont pas toujours à caractère professionnel, assure-t-elle. 

"J’ai reçu des messages très explicites sur ce que l’on voulait faire avec moi", confie la jeune femme. "Les collaboratrices savent qu’il y a des députés avec lesquels il ne faut pas se retrouver seules dans les ascenseurs." Ascenseurs dans lesquels on trouve des affichettes : Touchez le cul, c’est du harcèlement. "C’est dire le niveau d’où l’on part", soupire Catherine.

Un besoin de formation

Lorsqu’il sera sollicité par une victime, le cabinet externe en charge de gérer la nouvelle cellule harcèlement proposera un premier échange avec un psychologue, puis une orientation possible vers un médecin ou un avocat. "Tant qu’il n’y aura pas un travail de formation des députés sur leurs comportements sexistes, et un travail de formation des collaborateurs et collaboratrices sur leurs droits, il n’y aura pas de changement", estime toutefois Catherine. "Ça n’est pas avec une cellule d’écoute faite de bric et de broc, avec des personnes compétentes mais qui ne sont là que pour un an, et qui ont un intérêt financier à ne pas contredire l’administration, que l’on va changer les choses", déplore-t-elle.

À l’inverse, Patrice Petriarte, administrateur-adjoint et syndicaliste Solidaires salue une avancée historique, et surtout un souci d’impartialité dans la mise en place de ce dispositif. "L’Assemblée nationale est un monde fermé. Il est important que ce soit un cabinet externe, puisque justement l'on reproche à l’Assemblée d’être à la fois juge et partie de par son microcosme", pointe-t-il. Mais ce fonctionnaire reconnaît que les pouvoirs de cette cellule seront "limités", puisqu’elle n’aura qu’un rôle de conseil auprès des victimes.

L’ensemble des personnels : députés, collaborateurs ou fonctionnaires pourront contacter cette cellule. Elle sera également accessible pour les attachés parlementaires, qui travaillent dans les circonscriptions.

*Le prénom a été modifié.