Présidentielle : et si l'UMP avançait sa primaire ?

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STRATÉGIE - Alain Juppé l’envisage, le camp Fillon aussi. Ce qui pourrait compliquer l’éventuel retour de Sarkozy.

L’INFO. Les sondages flatteurs lui auraient-ils donné des ailes ? Dimanche, lors du Grand Jury RTL/LCI/LeFigaro, Alain Juppé s’est laissé  aller à réfléchir à voix haute à la primaire qui désignera le candidat de l’UMP pour la présidentielle de 2017. L'ancien Premier ministre a estimé que l’hypothèse d'avancer à "début 2016" cet exercice de démocratie interne devait être mise sur la table. "C'est une question, si on considère" que les compétitions entre les différents candidats UMP "pourrissent l'atmosphère", a-t-il lancé.

Un moyen d’exister pour Juppé ? La présidentielle, il n’y pensait plus, persuadé que son heure était passée. Mais la défaite de Nicolas Sarkozy, l’absence d’un autre leader incontestable et sa nouvelle popularité ont convaincu le maire de Bordeaux que, désormais, tout était possible. Et si c’était lui, le recours ? Pour que "le meilleur d’entre eux" se lance dans la bataille, une condition semble requise : que l’ancien président ne revienne pas sur le devant de la scène politique. On dit ce dernier impatient, mais son calendrier est (presque) connu. Son entourage l’a convaincu d’attendre 2015 pour s’exprimer. Mais "ce sera peut-être avant", a lâché Nicolas Sarkozy à des journalistes, en septembre dernier, en marge de sa venue en Haute-Savoie.

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Toujours est-il qu’avancer la primaire bouleverserait considérablement le calendrier de l'ex-président. De là à penser qu’Alain Juppé avance cette piste pour couper l’herbe sous le pied de Nicolas Sarkozy, il y a un pas que refuse de franchir Patrick Balkany, très proche de l’ancien président. "Je n’ose penser que certains osent y penser ! Quel intérêt de mettre des bâtons dans les roues de celui qui caracole toujours en tête des sondages ?", assure à Europe1.fr le maire de Levallois-Perret. Et quand on lui rappelle qu’un récent sondage place son champion à égalité avec… Alain Juppé, la réplique fuse : "Alain Juppé, je l’aime bien, mais je crois qu’il a dépassé la date de péremption…"

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(François Fillon en marge de son déplacement à Lyon pour la primaire UMP, en septembre dernier)

Qu'en pense le camp Fillon ? Deux jours après la proposition de l’édile bordelais, Eric Ciotti, proche de François Fillon, a marché dans ses pas lors de l’émission Mardi politique sur RFI. "J’y suis assez favorable, même très favorable. Si on regarde dans le passé, les socialistes, 15 mois après la présidentielle de 2007 n’étaient pas dans une meilleure situation (que nous, Ndlr). Les primaires leurs ont permis de se reconstituer", a analysé le député UMP des Alpes-Maritimes. Pour ce fidèle de l'ancien Premier ministre, "si les primaires ont lieu plus tôt, elles garantiront l’unité plus tard." Lui évoque l'année 2015.

C’est donc dans un esprit de rassemblement que les hommes de Fillon appuient une idée d’Alain Juppé, alors que les deux hommes ne se parlent plus et confient en privé "être des rivaux". Officiellement, pas question de parler d'une stratégie visant à contrarier Nicolas Sarkozy : "cela n’a rien à voir avec cela, il s’agit de réfléchir au meilleur moyen de rassembler notre famille derrière le candidat qui sera choisi. C’est d’autant moins vrai que je pense toujours que Sarkozy ne reviendra pas", a confié à Europe1.fr Jérôme Chartier, fidèle bras droit de François Fillon. Mais la possibilité d’avancer la primaire est bien une idée qui trotte dans la tête du député de Paris. "Nous nous réunirons autour de lui sur ce sujet la semaine prochaine", confie un autre filloniste.

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"Nous ne sommes pas des fétichistes de la date". Xavier Bertrand, qui a répété sur Europe 1, le 13 octobre, son intention de concourir lui aussi à la primaire pour l’emporter, n’est, pour le moment, pas particulièrement favorable à un changement de calendrier. "Je ne vois pas l’intérêt de laisser notre candidat commencer à prendre des coups un an et demi avant l’échéance. Je préfère suivre l’exemple du PS, qui a fait de sa primaire une pré-campagne, quelques mois avant le scrutin", explique à Europe1.fr Gérald Darmanin, député du Nord et très proche de l’ancien ministre du Travail (voir photo avec Xavier Bertrand). La porte n’est  toutefois pas totalement fermée : "nous ne sommes pas des fétichistes de la date, donc si Alain Juppé veut l’avancer, il peut en faire la proposition lors du conseil national de l’UMP. Car je vous rappelle quand même que le principe de la primaire a été voté par 95% de nos militants."

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Jérôme Jaffré, contacté par Europe1.fr, n’est pas non plus "un fétichiste de la date". Non, lui est politologue et veut bien croire qu’il y ait "quelques arrière-pensées dans ces propositions. C’est certain que cela n’arrangerait pas les affaires de Sarkozy. C’est une tentative, au moins". Mais là où Juppé peut encore se prévaloir de son statut de grand sage "pour expliquer qu’il cherche à dégager du temps pour le futur candidat, Eric Ciotti est, lui, plus dans la manœuvre. Car faire une primaire en 2015 comme il le propose, cela n’a pas de sens."