"Il ne faut pas que Sarkozy dérape" sur TF1

Roland Cayrol estime que Paroles de Français marque le début de la campagne présidentielle pour Nicolas Sarkozy.
Roland Cayrol estime que Paroles de Français marque le début de la campagne présidentielle pour Nicolas Sarkozy. © Europe 1
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avec Marc-Olivier Fogiel , modifié à
Avant Paroles de Français, Roland Cayrol décrypte les enjeux de l’émission pour le Président.

Quelques heures avant Paroles de Français, jeudi soir sur TF1, où Nicolas Sarkozy répondra aux questions d’un panel censément représentatif de la population, Roland Cayrol analyse les enjeux de l’émission pour le chef de l’Etat. Le politologue, interrogé jeudi matin sur Europe 1 par Marc-Olivier Fogiel, estime que l’objectif premier pour le président de la République est d’entamer la reconquête de l’opinion publique, à 14 mois de l’élection présidentielle.

Nicolas Sarkozy participe jeudi soir à Paroles de Français, dans une période difficile, avec les récentes polémiques, la fronde des magistrats... Comment décririez-vous le contexte avant cette émission ?
Épouvantable du point de vue de l’opinion. Ça ne s’est jamais vu qu’un président sortant soit si mal côté dans l’opinion 14 mois avant une élection présidentielle. Ça devient un cas d’école. On sait tous qu’une campagne peut changer les choses. Mais à ce point, ça ne s’est encore jamais vu.

L’animal politique qu’est Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas cette capacité à renverser les choses dans l’adversité ?
Je suis persuadé que c’est son état d’esprit. Il se dit : "ils vont voir!" Il y a une espèce de plaisir chez lui à en découdre alors que déjà les gens se disent qu’il ne va pas pouvoir remonter son handicap.

Depuis plusieurs, mois, on dit qu’il se présidentialise, qu’il calme ses colères. De ce point de vue, l’émission de jeudi soir présente-telle un risque ?
Il y a deux risques. D’abord que le gens qui vont l’interviewer soient trop bons. C’est ce qui s’était passé il y a un an. Ils étaient tellement convaincants, leur problème passaient tellement à l’écran, que c’est à eux que les gens se sont identifiés. Pas à ses propos à lui. Du coup, ça n’a pas bien marché, il n’a pas été jugé convaincant. Il faut donc qu’il soit à la hauteur des attentes de ce que les gens vont lui dire. Et en effet, il faut aussi qu’il fasse très attention. Il est là pour entamer une stratégie de reconquête. Il ne faut pas qu’il dérape une seule fois.

Si vous étiez son conseiller en communication, vous lui diriez quoi avant son passage sur TF1 ?
Je lui dirais qu’il faut absolument être calme, écouter le gens, répondre concrètement. Et ne pas oublier un objectif qu’on oublie trop souvent dans ce genre d’émissions : c’est qu’il ne suffit pas d’être très bon dossier par dossier. Il faut en même temps tisser tout au long de l’émission l’idée qu’on a une politique d’ensemble, un cap. Il ne faut pas seulement être bon sur la dépendance, sur le chômage, sur la sécurité. Il faut qu’il nous montre non seulement qu’il y a un pilote dans l’avion, mais que le pilote sait où va l’avion.

Son intérêt est-il de multiplier les annonces concrètes sur des mesures à venir ?
Il ne faut pas qu’il fasse trop d’annonces qui pourraient être démenties par la suite. Parce que les journalistes seront vigilants. Ce n’est pas la peine de faire beaucoup d’annonce. Il n’est pas là pour faire un agenda parlementaire. Il est là pour être rassurant, compréhensif des problèmes des gens, vraiment en phase avec eux et avec cette politique pour nous en sortir.

"Les Français veulent un match Sarkozy-DSK"

L’émission peut-elle avoir un impact immédiat et positif sur la côte de popularité de Nicolas Sarkozy ?
Peut-être un, deux, trois ponts dans le meilleur des cas. Une émission de télé ne fait jamais le printemps électoral. Ça peut contribuer à se dire : "tiens, le climat peut changer. Tiens, il a été meilleur qu’on croyait." C’est un long effort. Un planning stratégique de communication, ça ne peut jamais être fondé sur une émission, ni même un seul événement.

Face aux polémiques sur les vacances des ministres, aurait-il du prendre des décisions avant l’émission, comme se séparer de Michèle Alliot-Marie par exemple ?
Là, pour le coup, si j’avais été son conseiller en communication, je lui aurais conseillé de se séparer d’elle. L’avoir gardé, c’est un poids. Mais dès l’instant où nous avons eu ensuite le dossier Fillon, qui peut être assimilé, ce n’était plus possible. Il doit montrer maintenant qu’il est le patron, et que le patron, là-dessus aussi, a une solution. Annoncer simplement une loi, ça ne suffit pas. Il faut que les gens aient le sentiment que concrètement, ça va marcher. Que tous les mercredis, dans Le Canard Enchaîné, il n’y aura pas à nouveau des histoires.

A 437 jours de l’élection présidentielle, rien n’est toutefois encore perdu pour Nicolas Sarkozy.
Tout est jouable. Ce qui est sûr, c’est que les Français ont envie, très majoritairement, d’un match Sarkozy-Strauss-Kahn. Si on les prive de ce match, ils seront embêtés. Il y a l’envie d’une campagne qui soit sérieuse, où les gens aient des choix à proposer, des gens qui ont une compétence économique. On est quand même entré, dans l’état d’esprit des Français, dans une vraie précampagne présidentielle.

Les thèmes de ce soir (pouvoir d’achat, emploi, sécurité, éducation…) sont d’ailleurs les thèmes classiques d’une campagne présidentielle.
On est en plein dans le président-candidat ou dans le candidat-président. Ce n’est pas simplement un président qui va à la reconquête de l’opinion, c’est le début d’une campagne présidentielle, ce soir.

Regardez l'interview de Roland Cayrol :