Cazeneuve, le "techno discret" propulsé homme d’État

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TROISIÈME HOMME - Le ministre de l'Intérieur voit sa cote de popularité bondir. Au point de le voir jouer les premiers rôles?

Salués pour leur gestion de la crise terroriste, François Hollande et Manuel Valls enregistrent des gains sans précédent de popularité. Mais ils ne sont pas les seuls. L'action de Bernard Cazeneuve, est, elle aussi, encensée. Le ministre de l'Intérieur gagne des points dans tous les sondages. De là à le faire jouer les premiers rôles à l'avenir ? Pas encore sûr…

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Popularité en flèche... Depuis deux semaines, les sondages s'enchaînent et confirment la bonne image de Bernard Cazeneuve. Le ministre est passé en une semaine de 56% d'opinions favorables à 69%, selon un sondage Odoxa pour le Parisien/Aujourd'hui en France de dimanche. A la question de savoir si Bernard Cazeneuve a été "à la hauteur des événements" que vient de traverser le pays, 77% des personnes interrogées répondent "oui" et 22% "non". De même, entre le 9 et le 16 janvier, le ministre de l'Intérieur a enregistré une hausse de 11 points à la question de savoir si les Français le trouvaient "compétent" (67%). Viennent ensuite les qualificatifs de "courageux" (57%), "technocrate" et "convaincant" (55%).

L'ancien maire de Cherbourg (Basse-Normandie) progresse également de 14 points selon BVA, de 13 points selon l'Ifop et il fait un bon de "non classé" à la 4e place des personnalités politiques préférées des Français d'un sondage de l'Ipsos, avec 47% d'opinions positives.

Cazeneuve Police

© PATRICK KOVARIK / POOL / AFP

... Et justifiée… Inattendu à tous les postes qu'il a enchaînés au gouvernement ce "techno discret", comme il se décrivait lui-même en 2012, est d'un seul coup passé de l'ombre à la lumière. Le ministre en plaisante d'ailleurs lui-même, interrogé par Le Parisien : "je pense qu'il y a eu une vingtaine d'articles qui me présentaient comme 'la révélation', d'abord aux Affaires européennes, au Budget, puis ici à Beauvau. Je suis révélé maintenant, non ?" Il faut dire que Bernard Cazeneuve a fait peu d'erreurs pendant les attentats et la traque des terroristes.

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Dans un tel contexte, "n'importe qui aurait vu sa cote de popularité augmenter. Mais il y a tout de même des raisons propres à Bernard Cazeneuve", décrypte pour Europe1 Christophe Boutin, politologue à l'université de Caen (Basse-Normandie), qui observe l'actuel ministre depuis ses débuts politiques. "Cazeneuve est flegmatique, calme, posé, il ne se jette pas dans les médias, sait prendre du recul. Ça lui a servi", décrypte le spécialiste. Et d'ajouter : "sa méthode aussi a payé. Il n'a pas trop interféré dans les opérations des forces de police. Il a tendance à laisser faire les professionnels. En parallèle, il s'est montré présent avec ses hommes, sur le terrain, à les soutenir". 

Cazeneuve assemblée AFP 640

© AFP/PATRICK KOVARIK

… Jusqu'où le conduira-t-elle ? Gonflé de cette popularité nouvelle, Bernard Cazeneuve pourrait espérer jouer les premiers rôles à l'avenir. "Certains en font déjà un Premier ministrable", assure d'ailleurs Paris Match, dans son numéro sorti mercredi. Mais la route est longue. Et les atouts du "techno discret" peuvent parfois, en politique, devenir des défauts.

"Son flegme, son recul, son calme… Tout ça peut compter. Mais ça n'en fait pas quelqu'un de charismatique pour autant", selon le politologue Christophe Boutin. D'après l'étude Odoxa citée plus haut, en effet, seuls 43% des sondés trouvent Bernard Cazeneuve "sympathique" et 32% voient en lui quelqu'un de "charismatique".  "Je pense qu'il va continuer à être un brillant second rôle, un soutien fiable, plutôt qu'un premier rôle", conclut le spécialiste.

Le tout sera de continuer à ne pas faire d'erreurs, et d'apporter une réponse à la crise terroriste. Car comme le rappelle le politologue Pascal Perrineau, contacté lundi par Europe1 : "l'émotion s’atténue, et les débats sur 'comment a-t-on pu en arriver là' commencent à naître. La responsabilité n'incombe pas uniquement à l'équipe dirigeante actuelle. Mais elle est tout de même responsable". Bernard Cazeneuve va peut-être encore devoir "se révéler" une nouvelle fois.