Alain Bauer est criminologue. 1:26
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Invité vendredi d'Europe 1, le criminologue Alain Bauer est revenu sur le procès des attentats du 13-Novembre, qui s'est ouvert cette semaine, et sur le profil des 20 accusés, qui étaient pour la plupart surtout connus pour leurs activités criminelles. Pour ce spécialiste, "l'État islamique a bouleversé le profilage du terrorisme".
INTERVIEW

Depuis mercredi, 20 personnes sont jugées par la cour d'assises spéciale de Paris pour leur rôle supposé dans les attentats du 13 novembre 2015, parmi lesquels le seul membre encore en vie du commando des attaques, Salah Abdeslam. Si, parmi eux, certains sont des vétérans du djihad, d'autres viennent plutôt de la petite délinquance, avant de se radicaliser. Ces différents profils attestent-ils d'une "hybridation" des terroristes ? Interrogé sur Europe 1, le criminologue Alain Bauer confirme que depuis plusieurs années, "l'État islamique a bouleversé le profilage du terrorisme".

"La quasi totalité d'entre eux étaient plutôt connus pour leur activité criminelle", rappelle Alain Bauer, avec notamment "des trafiquants, des dealers". Mais depuis son émergence, "l'État islamique affirme sa volonté de recruter des délinquants et des criminels", et ce "pour des raisons pratiques et pragmatiques". Lesquelles ? "Les réseaux, la manière de trouver des armes, des planques, la solidarité qui existe", répond le criminologue, ainsi que "pour s'ouvrir une voie de recrutement inédite dans l'histoire du terrorisme moderne". 

La "défense de rupture" d'Abdeslam

Sur Europe 1, Alain Bauer est revenu sur les deux premiers jours du procès, marqués par les provocations de Salah Abdeslam, qui était pourtant resté quasi mutique durant toute la durée de l'instruction, en insistant sur la stratégie de défense du Franco-Marocain de 31 ans, qu'il assimile à "une défense de rupture". "La France vit toujours dans cette illusion de vieux pays catholique où les accusés viennent faire contrition, et expliquent qu'ils n'y sont pour rien", ajoute-t-il, et "ça fait très longtemps qu'on n'a pas vu une défense de rupture, un dispositif où on va au-delà de la tête du juge pour s'adresser aux gens". Cette stratégie amène "une sorte de surprise et de crispation" dans le procès, note-t-il.

Plus globalement, "utiliser la justice ordinaire, même spécialisée, pour juger de phénomènes extraordinaires, amène une espèce de collision complexe, et tout le doigté du président de la cour d'assises spéciale va être mis à l'épreuve".