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Laetitia Drevet
En Mai 68, la télévision est conspuée par les manifestants, qui voient dans l'ORTF un instrument du gouvernement pour diriger le peuple. Dans "Culture-Média", Philippe Thuillier présente La grande saga des feuilletons et séries, qui raconte comment les auteurs de fiction déjouaient la surveillance pour montrer l'actualité.

"Fermez la télé, ouvrez les yeux" : un slogan très populaire de Mai 68, visible à l’époque sur des dizaines de murs et de pancartes. Les manifestants appellent la France à abandonner ses feuilletons pour sortir dans la rue. Une injonction d’autant plus centrale pour les protestataires que les programmes télé sont à l’époque régis par l’ORTF. Ministre de l’information du Général de Gaulle, Alain de Peyrefitte y règne d’une main de maître, censurant les sujets jugés trop sensibles sans autre forme de procès.

Et pourtant… "La télé a été influencée par cette révolte", assure sur Europe 1 Philippe Thuillier, producteur de La grande saga des feuilletons et séries, un documentaire qui retrace l’histoire des fictions françaises à la télévision des années 1950 à aujourd'hui, diffusé vendredi soir sur France 3. "Les réalisateurs ont joué la carte de fiction", poursuit-il au micro de Philippe Vandel dans l'émission "Culture-Média".

"Nous sommes tous des Jacquou" 

Mais attention, pas question de montrer des images subversives, des manifestations réelles sous couvert de personnages inventés. Les feuilletons se montrent plus subtils. Il y a, par exemple, dit Philippe Thuillier, le célèbre feuilleton Jacquou le Croquant, adapté du roman d'Eugène Le Roy, qui raconte par le menu les révoltes paysannes périgourdines du 19eme siècle.

Plutôt que des étudiants rebelles face au général de Gaulle, des paysans en colère contre la noblesse. "Pour ne pas montrer l’actualité, les auteurs de fiction sont allés chercher du côté de l’histoire", analyse Philippe Thuillier. L’actualité influence donc la fiction… qui influence à son tour les manifestations. En 1969, rappelle Philippe Thuillier, des dizaines d'agriculteurs en colère brandissent face à l'objectif des banderoles estampillées "Nous sommes tous des Jacquou". Et la boucle est bouclée.