Alex Taylor sur Europe 1 2:31
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Pour le journaliste franco-britannique et europhile Alex Taylor, invité vendredi de "Culture Médias" sur Europe 1, très peu de journaux britanniques défendent aujourd'hui la cause européenne outre-Manche. En dehors de quelques titres, "le reste de la presse a battu campagne contre l'Union européenne" en 2016, et continue de le faire près de quatre ans plus tard.
INTERVIEW

C'est l'histoire d'une séparation qui n'en finit pas : depuis près de quatre ans maintenant, le Brexit agite le Royaume-Uni et l'Union européenne, avec une date de divorce fixée au vendredi 31 janvier à 23 heures. Et cette histoire, c'est la presse britannique qui l'a racontée en long, en large mais surtout de travers, selon Alex Taylor. Pour ce journaliste europhile britannique devenu français depuis 2016, les tabloïds et leur "fake news" sur l'Europe ont participé à créer le Brexit, puis le nourrir.

Dans quatre semaines, donc, le Royaume-Uni devrait quitter pour de bon l'Union européenne. Mais comme le rappelle Alex Taylor, le travail de sape des médias britanniques dure depuis bien plus longtemps. Et l'un de ces artisans faussaires est aujourd'hui Premier ministre. "Qui a lancé cette manie des fake news ? C'est Boris Johnson lui-même, viré par The Times pour avoir menti à maintes reprises", raconte Alex Taylor à propos du partisan du Brexit, qui était journaliste puis éditorialiste de la fin des années 1980 au début des années 2000.

Des titres "plus racoleurs"

Mais le problème, assure Alex Taylor, va bien au-delà de la crinière blonde d'un Johnson peu à cheval sur les faits. "Ce qu'on ne comprend pas avec la presse britannique en France, c'est qu'il y a beaucoup plus de titres, les gens sont beaucoup moins fidèles et donc il faut être beaucoup plus racoleurs. En France, en général, si vous achetez Libération un jour, vous n'achetez pas Le Figaro le lendemain." 

Cette profusion de titres expliquerait selon le journaliste une propension à aller sans cesse plus loin dans la critique de l'Europe. "The Sun se targue d'avoir de bonnes informations et dans l'ensemble les tabloïds britanniques se targuent de dire la vérité", avance Alex Taylor. Le problème viendrait donc de leur orientation : "80% des articles dans la presse britannique sont contre l'Union européenne depuis des années. En France, les journaux sont plus boring [ennuyeux, NDLR] mais plus équilibrés."

Un faux argument… vite balayé

Les médias, coupables d'un Brexit aux relents d'arguments frelatés ? Pas seulement, selon Alex Taylor. Pendant la campagne du Brexit, au printemps 2016, un bus circulait et disait que le Royaume-Uni donnait chaque semaine 400 millions d'euros à l'Union européenne et qu'il faudrait mieux le donner au système de Sécurité sociale. "Quatre heures après l'annonce du résultat de l'élection, Nigel Farage était à la télévision pour dire qu'il n'aurait pas dit ça parce que les chiffres étaient faux !", s'emporte encore le journaliste.

"Le service de santé fait partie de l'identité nationale britannique et ça prouve que les élections n'ont pas du tout été gagnées sur l'Europe, mais sur la question de financement des hôpitaux", conclut-il. Et c'est ainsi, en partie, que le camp du Brexit l'a emporté et déclenché un mélodrame dont l'épilogue est (enfin) prévu pour la fin du mois.