Conseil de déontologie journalistique : "Il faut que le public s'empare de l'outil"

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Mathilde Durand
Le Conseil de déontologie journalistique (CDJM) fête son premier anniversaire. Patrick Eveno, président de l'organe indépendant, dresse mercredi sur Europe 1 un bilan de cette première année. Sur 123 saisines, 17 avis ont été rendus et cinq affaires signalées pour des manquements à la déontologie. 
INTERVIEW

Il y a un an, le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) était officiellement lancé. Cette instance indépendante est chargée d'étudier et de signaler des fautes éthiques et déontologiques commises par les journalistes, sur la base de signalements pouvant être réalisés par tous citoyens français ou étrangers. Patrick Eveno, président de ce Conseil et professeur émérite d'histoire contemporaine à Paris I, dresse un bilan de cette première année d'existence sur Europe 1, mercredi.

Sur 123 demandes de saisines, 17 avis ont été rendus, cinq affaires ont été jugées "fondées". Un bilan qui peut sembler faible mais qui s'explique, selon le président du CDJM. Certaines saisines regroupent notamment plusieurs signalements sur le même acte journalistique. Au total, 87 actes journalistiques ont été traités. "On a eu du mal à démarrer au départ, avec le Covid notamment. Là, on va en rendre deux ou trois autres d'ici le 8 décembre", souligne Patrick Eveno. "Beaucoup de saisines reçues sont irrecevables et à chaque fois, on explique aux requérants, aux médias ou aux journalistes pourquoi". Le HuffPost, Valeurs Actuelles, France 24, Sud-Ouest et LCI pour la présentation discriminante d'un avocat, Yassine Bouzrou, ont été épinglés. "On a fait six cas de médiations informelles : on envoie la plainte aux médias et la réponse aux requérants", ajoute-t-il. 

Le fonctionnement du CDJM

L'organisme tripartite - un tiers de journalistes, un tiers de représentant d'entreprises et un tiers de représentant du public -, doit être saisi par les citoyens pour se pencher sur un acte journalistique. "Il faut que le public s'empare de l'outil", explique le président. Un rapide questionnaire en ligne est suffisant pour déclencher le processus. Le CDJM s'appuie ensuite sur plusieurs textes pour prendre des décisions : la charte d'éthique professionnelle, la charte dite de Munich et la charte d'éthique mondiale des journalistes (adoptée l'an dernier, par la fédération internationale des journalistes, à Tunis). Le CDJM ne s'occupe pas des atteintes à la loi de 1881, qui est traitée directement par les tribunaux. 

"Quand on reçoit une saisine, on fait un premier tri. On la déclare recevable ou non recevable : celles sur les lignes éditoriales, les sujets trop généraux ou encore les choix éditoriaux ne fonctionnent pas", rappelle Patrick Eveno. Pour qu'un signalement soit jugé recevable, les membres du CDJM doivent estimer, dans un premier examen, que l'acte journalistique remet en cause le respect des personnes, est un conflit d'intérêt, qu'il y a une manipulation de l'image et du son etc... "On désigne une commission de trois personnes qui étudie, analyse, écrit au média et journaliste concernés", poursuit le président. 

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"Il y a aussi des saisines que l'on estime partiellement fondées. Par exemple, quand quelqu'un a écrit à un média pour dénoncer un acte journalistique, que le média a repris le dialogue et a fait un rectificatif : le premier article était fautif du point de vue déontologique mais a été rectifié derrière, donc c'est une saisine partiellement fondée", précise-t-il. 

De vives critiques 

Lors de sa création, et encore actuellement, le Conseil de déontologie a essuyé de nombreuses critiques, notamment par des journalistes qui dénonçaient un organe liberticide et sans légitimité. Depuis, certains médias ont même menacé l'organisme de procès. "Les médias sont des entreprises avec une rédaction qui a un public : il faut une harmonie, un dialogue entre les trois, et un tiers de confiance extérieur. C'est ça le conseil de déontologie. Il existe dans 20 pays de l'Union européenne, ce n'est pas pour rien", se défend Patrick Eveno. 

"Il ne faut pas de Conseil de l'ordre des journaliste", souligne-t-il, marquant sa différence avec une telle proposition. "Mais là, on est au sein de la liberté d'expression, du droit du public à être informé. Il n'y a pas d'ingérence de l'Etat."