Comment la musique peut créer l’atmosphère d’un podcast ? Le mode d’emploi d’un compositeur

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Eloïse Bertil
Qu’est-ce que la musique peut apporter à un podcast natif, notamment dans le domaine du fait divers ? Comment une composition originale peut renforcer des interviews ? Et par où commencer pour choisir les sons qui accompagneront le mieux une histoire ? Sandy Lavallart, le compositeur qui a pensé la musique originale du podcast “Le Coupable”, a accepté de détailler son processus de création.
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“Pour moi, le travail du compositeur, c’est de s‘imprégner d’une ambiance”, raconte le compositeur Sandy Lavallart. C'est à cet artiste du groupe Kwoon qu'a fait appel Europe 1 Studio il y a quelques mois pour créer la musique, qu'on appelle "habillage musical" en termes techniques, qui accompagne et amplifie le récit d'Alain Jakubowicz sur l'affaire Maëlys dans "Le Coupable", une production Spotify. Sandy Lavallart revient sur cette expérience et donne toutes les clés pour concevoir un habillage musical qui plongera l'auditeur au cœur de l'histoire que l'on veut raconter, en l'occurence, celle d'une affaire criminelle particulièrement forte.

Le travail du compositeur, c’est quoi ?

“A partir du ‘brief’ [le résumé du podcast, d’un point de vue éditorial notamment, NDLR], on doit trouver la bonne ‘couleur’ musicale”, résume Sandy Lavallart. ”Est-ce qu’on va aller vers des sons qui évoquent un univers féérique ? Est-ce qu’on va sortir des grelots de Noël ? Ou est-ce qu’on va à l’inverse tirer sur du grave ?”, caricature-t-il. Ici, pour un podcast “true crime”, une première direction s’impose presque. Mais pas question de grossir inutilement le trait. Une fois que l’on a identifié l’atmosphère globale du récit et l’univers sonore qui y est associé, il faut en effet parvenir à trouver un équilibre. C’est ce qu’explique Sandy Lavallart : ”Il faut veiller à donner du rythme. Là, c’est comme la cuisine : il faut essayer de relever le plat. Par exemple, si on part sur des accords très graves, il va falloir ‘pimenter un peu’ avec des sons plus légers. Dans la musique, comme dans l’image, on doit réussir à captiver l’attention sans trop en mettre.”

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Puis vient le moment de créer les sons eux-mêmes, les différentes pistes musicales qui composeront au global “l’habillage sonore”. Pour se faire, le compositeur du podcast “Le Coupable” est passé par trois étapes : “D’abord, on cherche une grille d’accords qui va déterminer le ton. Puis on décide des instruments à utiliser pour le retranscrire au mieux. Et ensuite, on crée une mélodie qui reviendra comme une sorte de ritournelle tout au long des épisodes.”

Noémie Schulz, journaliste spécialisée en justice et autrice du podcast, rebondit sur cette dernière idée de ritournelle :  “La première fois que j’ai écouté le thème composé par Sandy, j’ai trouvé que ça collait vraiment bien avec le récit : ce n'était ni trop anxiogène, ni trop léger, sachant que les faits dont on parle dans le podcast sont déjà graves. Et tout de suite, je me suis dit que si on plaçait cette mélodie en introduction de chaque épisode, cela permettrait à l’auditeur d’identifier le podcast d’entrée, à la manière du générique familier d’une série comme Game of Thrones par exemple.”

Qu’est-ce qui a inspiré l’univers sonore du podcast “Le Coupable” ?

Le podcast “Le Coupable” donne à entendre notamment le témoignage d’Alain Jakubowicz, l’avocat qui a accepté de prendre la défense de l’homme le plus détesté de France : Nordahl Lelandais, accusé du meurtre de Maëlys dès la disparition de la fillette en 2017. A partir de ce sujet, Sandy Lavallart a élargi la réflexion : “Forcément, l’idée de Nordahl Lelandais et des crimes atroces qu’il a commis évoque d’abord les ténèbres. Mais dans ‘Le Coupable’, la caméra est ailleurs :  elle ne suit pas le criminel, mais son avocat, à qui on a peut-être envie de donner une chance de s’expliquer. C’est comme une toile de peinture : si c’est tout noir, ce n’est pas intéressant. Alain Jakubowicz est profondément humain, il a quelque chose qui demande une note de lumière.” 

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Alors, pour illustrer ce point de vue nuancé en musique, Sandy Lavallart s’est laissé porter par les images mentales que créent en lui le récit de l’avocat pénaliste, au micro de la journaliste Noémie Schulz. Il raconte : “Quand j’écoutais la voix d’Alain Jakubowicz, je visualisais un homme très sérieux, assis dans son petit bureau, travaillant consciencieusement. Et je me suis dit : c’est ça. Je veux transporter l’auditeur dans cette scène : une salle plongée dans une certaine pénombre, de laquelle ressort le visage de l’avocat. Je voulais appuyer par la musique le côté confiné et intimiste du bureau, qui créé quelque chose d’un peu dérangeant.”

Y a-t-il des avantages, ou au contraire des contraintes, quand on compose la musique d’un podcast ?

Comparé à d’autres formes de storytelling, le podcast natif a des codes bien spécifiques. Pour Sandy Lavallart, qui a souvent eu l’occasion de composer pour la publicité par exemple, ce format très narratif et qui prend son temps présente un grand avantage : “Quand on compose pour un spot publicitaire, on a maximum 45 secondes pour faire en sorte qu’il se passe quelque chose musicalement. Mais quand on compose de la musique pour un format long, comme le documentaire ou ici le podcast, on peut vraiment prendre le temps d’installer une atmosphère, d’étirer un fil sur plusieurs séquences.” Le compositeur conclut par une image : “En fait c’est comme si on créait un menu avec entrée, plat, dessert, plutôt que si on se contentait d’une tequila paf !”

Découvrez le travail de Sandy Lavallart en allant écouter “Le Coupable”, un podcast original produit par Spotify et Europe 1 Studio, disponible gratuitement et en exclusivité sur Spotify.