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Romain David
Invités de Culture médias sur Europe 1, les journalistes Fabienne Schmitt et François Sorel, spécialistes de la high-tech, décryptent les enjeux du lancement par Apple d’une plateforme de films et de séries à la demande.
ON DÉCRYPTE

Apple a tenu mardi sa traditionnelle Keynote - la présentation publique des nouveautés pour l’année à venir. Et une nouvelle tendance se dessine chez le géant de l’informatique : Apple n’a pas mis le paquet comme à son habitude sur son produit phare, l’iPhone, mais a débuté la séance en annonçant ses nouveaux services. En l’occurrence "Arcade", une plate-forme de jeux vidéo, et surtout "Apple TV+", une offre de séries et de films disponible à partir du mois de novembre dans une centaine de pays.

En s’écartant peu à peu de son domaine traditionnel d’activité, l’entreprise à la pomme peut-elle faire de l’ombre à Netflix, leader des plateformes de vidéos à la demande ? "Pour l’instant, ils n’ont qu’un petit catalogue par rapport à Netflix", relève au micro de Philippe Vandel, dans Culture médias sur Europe 1, Fabienne Schmitt, cheffe du service High-Tech & médias des Echos. AppleTV+ dispose d’un budget de production de 6 milliards de dollars, contre 15 milliards chez Netflix. La plateforme possède toutefois quelques têtes d’affiche, comme la série The Morning Show qui consacre le retour de Jennifer Aniston, ou encore la dystopie See, présentée comme le prochain Game of Thrones.

L’annonce du tarif de ce nouveau service (4,99 dollars par mois, soit quasiment moitié moins que l’abonnement Netflix, à 7,99 dollars) a néanmoins réussi à faire chuter le cours de Netflix de 4%. En cassant les prix, Apple entend donc jouer les disrupteurs sur le marché de la vidéo à la demande. "C’est malin parce qu’ils savent qu’ils ne sont pas prêts. Ils n’ont que quelques séries spécifiques qu’ils ont produites, mais ils restent à des années-lumière de Netflix, d’Amazon, de Disney qui va arriver ou encore de Warner", pointe François Sorel rédacteur en chef et cofondateur de 01.net, également invité de Culture médias.

Un soutien à la vente des téléphones

"Les programmes et les séries font partie du cœur de métier de Netflix. Chez Apple, on lance un service de SVOD pour continuer à vendre des téléphones. La démarche n’est pas la même", explique Fabienne Schmitt. "Comme Apple vend de moins en moins d’Iphones, ils essayent avec leurs services de compenser la baisse du chiffre d’affaire des ventes", abonde François Sorel. D’ailleurs, un essai gratuit d’un an d’Apple TV+ est offert à tout acheteur d’un produit Apple neuf. Plutôt que de tailler une brèche dans la citadelle Netflix, Apple TV+ doit donc agir comme levier pour permettre au géant de maintenir sa position dominante dans l’électronique, tout en débloquant de nouveaux secteurs de revenus.

L'ogre Disney

Mais pour Netflix, la menace pourrait bien venir d’un autre mastodonte : Disney. L'entreprise réplique à l’annonce d’Apple en lançant Disney+, à partir du 12 novembre aux Etats-Unis et au premier semestre 2020 en France. "Beaucoup de monde va s’abonner pour regarder le fonds de catalogue Disney qui est monstrueux. Il y aussi tous les Marvel. La 21st Century Fox a également été rachetée par Disney, ce sont des films mythiques. Et enfin, la saga Star Wars, via l’accord passé avec George Lucas", énumère François Sorel. Les chiffres donnent le tournis. Rien que pour son lancement, Disney annonce sur sa plate-forme, dès le jour de l’ouverture : 400 films et 7.500 épisodes de série. Et là encore, pour un tarif légèrement moindre que celui de Netflix : 6,99 dollars par mois.

La déferlante Disney pourrait être d’autant plus profonde que la compagnie a également l’intention de faire retirer toutes ses productions du catalogue de ses concurrents. "C’est très risqué", nuance toutefois Fabienne Schmitt. "Disney vendait des produits à toute une série de diffuseurs, de chaînes de télévision. Il avait des revenus récurrents, il savait chaque année combien il allait toucher en vendant ces produits. Demain, tout sera sur Disney+, mais il va falloir croiser les doigts pour avoir suffisamment d’abonnés pour compenser la fin de ces revenus."