Affaire Gaël Perdriau : le maire de Saint-Etienne empêche une publication de Mediapart

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Louise Bernard, avec Ophélie Artaud , modifié à
Le site d'investigation "Mediapart" s'apprêtait à sortir une enquête pour révéler une nouvelle fois les "pratiques politiques" du maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau. Mais, suite à une décision de justice, le média est dans l'impossibilité de publier son article. Le journaliste Antton Rouget est revenu au micro d'Europe 1 sur cette décision qu'il qualifie de "censure préalable".

Alors que le site d'investigation Mediapart s'apprêtait à publier une enquête qui révélait de nouvelles révélations sur les "pratiques politiques" du maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau, le média a eu l'interdiction de sortir l'article. Les journalistes dénoncent une "censure préalable". L’article était prêt à être mis en ligne. Mais vendredi, la rédaction de Mediapart a vu arriver un huissier, venu informer de l’existence d’une décision de justice, qui interdit la publication de cette enquête. En cas de non-respect, Mediapart devra payer 10.000 euros par extrait publié. 

Cela fait suite à une requête déposée par l’avocat du maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau. Car cet article contient des révélations sur les "pratiques politiques" du maire, également président de la métropole de Saint-Étienne. Mediapart l’a contacté juste avant la publication pour avoir sa version des faits. Gaël Perdriau a demandé un délai pour pouvoir répondre au site d’investigation. Il a fini par le faire. Mais trois heures après, l'huissier arrivait à la rédaction de Mediapart.

Laurent Wauquiez "victime de pratiques odieuses de la part de Gaël Perdriau"

Cet article contient de nouvelles révélations. Car fin août, le site d'investigation avait déjà publié des articles sur Gaël Perdriau. Il révélait que l’entourage du maire avait pratiqué un chantage présumé à la sextape contre son premier adjoint, Gilles Artigues. Depuis ce lundi, Mediapart s’insurge publiquement contre cette décision de justice.

Antton Rouget, journaliste à Mediapart et auteur des articles sur Gaël Perdriau, est revenu sur cette décision au micro d'Europe 1. "Sur le contenu, on ne peut pas dire grand-chose sur cet article, on est pour l'instant bloqués par cette décision de justice qu'on conteste vigoureusement. D'un point de vue judiciaire, notre avocat fait son travail pour faire disparaitre cette censure le plus rapidement possible", explique-t-il.

Sans pouvoir révéler le contenu de l'article, le journaliste a affirmé que Laurent Wauquiez, le président républicain de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a également été victime des pratiques du maire de Saint-Etienne. "Ce qu'on peut dire par contre, c'est qu'il s'agit d'un nouveau volet de l'affaire de Saint-Etienne. On espère pouvoir révéler de nouvelles pratiques dont a été victime Laurent Wauquiez, membre du parti LR comme Gaël Perdriau. Lui aussi a été victime de pratiques politiques assez odieuses de la part de Gaël Perdriau. C'est sur ces nouveaux faits que nous voulions interroger Gaël Perdriau la semaine dernière, nous avons obtenu ses réponses mais nous sommes dans l'incapacité de publier les informations et de raconter ses pratiques."

Pour les journalistes de Mediapart, il s'agit d'une véritable atteinte à la liberté de la presse. "C'est la première fois dans l'histoire de Mediapart, et nous avons consulté des juristes, des journalistes, qui nous disent qu'ils n'ont jamais vu ça. On fait face à une censure préalable. Nous n'avons aucune difficulté à répondre de nos enquêtes, y compris devant les tribunaux, ça nous arrive souvent, on estime que c'est une responsabilité quand on publie des articles de défendre la qualité de notre travail, que l'on réalise des enquêtes sérieuses, respectueuses des droits de chacun et du contradictoire", insiste le journaliste.

"Ce sont ses pratiques politiques qui nous intéressent"

"Là, nous ne sommes pas dans ce registre-là. Il s'agit d'une décision ordonnée par le président du tribunal judiciaire de Paris dans le cadre d'une procédure d'urgence, dérogatoire. Dans le cadre de la procédure dont on est victime, on n'a pas été informé et on n'a pas eu la possibilité de défendre nos arguments. On a seulement été informé de notre interdiction de publier. Gaël Perdriau explique que les informations que nous nous apprêtions à publier porteraient atteinte à sa vie privée, ce qui n'est évidemment pas le cas. Sa vie privée ne nous intéresse pas, ce sont ses pratiques politiques qui nous intéressent et que l'on interroge depuis la fin du mois d'août. On aurait aimé pouvoir défendre nos arguments devant un tribunal", souligne Antton Rouget.

"C'est Gaël Perdriau lui-même qui a prévenu la justice. Évidemment, Laurent Wauquiez a été prévenu en amont, on l'a sollicité comme on l'avait fait pour Gilles Artigues sur l'affaire de la sextape. Nous avons même recueilli la réaction de Laurent Wauquiez, l'article est prêt définitivement car nous avions toutes les réactions. Il n'y a aucune contestation sur le fond, sur la validité de nos informations. En revanche, Gaël Perdriau a trouvé un moyen de nous empêcher de publier cette information en sortant des rails de la loi de 1881 sur la liberté de la presse", conclut le journaliste de Mediapart.