Visas, douane, trafic : comment la France se prépare à l'hypothèse d'un Brexit dur

Les Britanniques présents sur le sol français vont-ils devoir disposer d'un visa à partir de mars ?
Les Britanniques présents sur le sol français vont-ils devoir disposer d'un visa à partir de mars ? © Thomas SAMSON / AFP
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Anne-Laure Jumet et Lionel Gougelot, édité par Thibaud Le Meneec , modifié à
Avant l'ouverture d'un sommet européen crucial sur le Brexit, mercredi soir, l'hypothèse d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne sans accord est plus probable que jamais. La France tente de se préparer au pire.
ON DÉCRYPTE

Le ton a changé. Pendant de nombreux mois, les uns et les autres ont avancé dans les négociations avec l'espoir d'un bon accord, solide, pour l'avenir de leurs relations. Mais à cinq mois de la sortie programmée du Royaume-Uni de l'Union européenne, les Britanniques et les 27 autres membres de l'UE envisagent désormais un Brexit dur, alors que s'ouvre mercredi soir un sommet décisif sur la question, à Bruxelles. Les dirigeants des Vingt-Sept devraient tirer la sonnette d’alarme et affirmer qu'il faut se préparer désormais activement à une sortie sans accord du Royaume-Uni, ce à quoi la France s'attelle déjà pour tenter de dissiper les craintes.

Qu'est-il prévu au niveau national ?

Face au scénario du pire, "mieux vaut ne pas avoir d'accord qu'avoir un mauvais accord", comme on le répète au gouvernement. Du coup, un projet de loi est prêt et arrivera au Parlement en novembre. Il permettra d’aller vite puisqu'il donne au gouvernement la possibilité d’agir par ordonnances. Au ministère des Affaires européennes, dirigé par Nathalie Loiseau, on a déjà identifié 200 mesures, car tout doit être prêt pour une éventuelle mise en œuvre dans un peu plus de cinq mois, au 30 mars 2019. Prenons l'exemple des ressortissants britanniques qui séjournent en France plus de trois mois. Aujourd'hui, ils peuvent venir s’installer librement mais en cas de Brexit dur, ils devront avoir un visa, dès le 30 mars.

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Il faudra aussi régler le cas des 150.000 ressortissants britanniques qui résident sur le sol français, qui vont devoir être en possession d’un titre de séjour. Et pour ceux qui ont un emploi en France, soit la moitié d'entre eux, ils devront produire un titre de travail, sinon leur employeur pourrait voir leur responsabilité pénale engagée. Le cas des Français qui vivent au Royaume-Uni et qui reviendraient en France est également à régler, pour que leurs droits au chômage tiennent compte de leurs années passées en Angleterre.

Calais peut-il devenir un "entonnoir" sans accord ?

Le casse-tête est le même pour les marchandises. Car demain, il faudra rétablir les contrôles dans les ports et au niveau du tunnel sous la Manche. Dans la configuration d'un Brexit dur, tout devra être prêt au lendemain de ce fameux 29 mars 2019, date effective du Brexit. Et c'est un sujet de préoccupation, notamment à Calais. Sur place, on craint que la ville ne se transforme en une sorte d’entonnoir.

Entendu sur europe1 :
Humainement, ce ne serait pas gérable pour les conducteurs de nos camions et pour les automobilistes qui seraient bloqués dans les bouchons

L’inquiétude tient en une équation : si pour chaque camion qui franchit le Tunnel sous la Manche, les contrôles sont augmentés de deux minutes, cela engendrera pas moins de 27 kilomètres de files d’attente sur les autoroutes à Calais et à Douvres. Un véritable cauchemar des transporteurs routiers. "Humainement, ce ne serait pas gérable pour les conducteurs de nos camions et pour les automobilistes qui seraient bloqués dans les bouchons", alerte Jimmy Bils, transporteur. "Si on assiste à un blocus du Pas-de-Calais avec des temps d'attente interminables et inacceptables, les répercussions économiques se feront aux niveaux national et international." Pour traiter le problème de la sécurité, Gérald Darmanin a promis l’embauche de 700 douaniers. À Calais, des terrains pour un parking et une zone de stockage de camions ont déjà été prévus, mais tout cela doit encore se concrétiser.

Des effectifs supplémentaires éviteront-ils la paralysie ?

Pourtant, les douaniers ne pourront pas tout contrôler. C'est la raison pour laquelle des effectifs de police aux frontières supplémentaires sont attendus, ainsi que des agents des services vétérinaires et du ministère de l’Agriculture pour les contrôles phytosanitaires. "Il faut que les formalités douanières soient au minimum, sauf pour la sécurité des personnes, sanitaire et alimentaire", prévient Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, inquiet pour le futur des relations commerciales entre son territoire et l'Angleterre.

"Pour le reste, en matière de contrôles et de formalités, on doit arrêter d'être plus royaliste que le roi", poursuit le dirigeant. "Si on perd cette fluidité à cause des contrôles ou parce que c'est la paralysie, tout se déportera en Belgique et aux Pays-Bas. Moi, je veux éviter ça parce que je veux garder mes emplois et même en attirer d'autres." Il y a néanmoins une conséquence positive à ce Brexit : le retour du duty free sur les ferries, un bénéfice pour les compagnies trans-Manche.

Et dans les autres pays européens ?

Les autres pays membres préparent eux aussi des mesures en cas de Brexit dur. Comme la France, les Pays-Bas et la Belgique vont augmenter leurs effectifs douaniers, tandis que l'Allemagne vient d’alerter fortement ses entreprises sur le thème : préparez-vous activement à un Brexit dur. Quant à la Commission européenne, elle vient de publier 70 notices détaillées par secteur, à destination du monde économique. Des préparatifs qui vont donc connaitre un coup d'accélérateur, car il ne reste qu'un peu plus de cinq mois avant la sortie du Royaume Uni de l'Union européenne et la concrétisation d'un scénario du chaos.