Une livraison d'armement français à l'Arabie saoudite embarquée à Marseille ?

Bahri
Il y a deux semaines, c'est le Bahri Yanbu qui devait charger des armes dans le port du Havre. (photo d'archives) © BEN STANSALL / AFP
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avec AFP , modifié à
Selon le média en ligne Disclose, des armes françaises doivent être chargées au port de Marseille-Fos, à destination de Jeddah en Arabie saoudite. 

Quinze jours après le rocambolesque épisode d'un cargo saoudien ayant renoncé à embarquer des armes françaises pour l'Arabie saoudite dans le port du Havre, un chargement de munitions doit avoir lieu à Marseille-Fos, affirme mardi le média indépendant Disclose. Le Bahri Tabuk, arrivé dans le port français mardi, doit prendre livraison de munitions pour les canons Caesar français, à destination de Jeddah, en Arabie saoudite, selon Disclose. Une information relayée par un élu communiste de la région de Marseille, Pierre Dharréville, qui a réclamé au gouvernement "un moratoire" sur les livraisons d'armes à l'Arabie saoudite. 

Cette nouvelle livraison, si elle est confirmée, intervient alors que le gouvernement français est accusé par plusieurs ONG de livrer à l'Arabie saoudite, de manière licite mais opaque, des armes susceptibles de tuer des civils dans la guerre au Yémen. Cette "sale guerre", selon la formule même des autorités françaises, a fait depuis 2015 des dizaines de milliers de morts et entraîné l'une des pires crise humanitaires au monde, selon l'ONU.

Le chargement sera "vérifié" 

Le port de Marseille-Fos "ne servira pas à charger des armes ou des munitions", a assuré à l'AFP Laurent Pastor, un responsable syndical des dockers, promettant que le chargement serait "vérifié". Selon Laurent Pastor, le chargement du Bahri Tabuk a été présenté comme du "matériel civil pour un projet lié à l'énergie" et est prévu mercredi.

"Nous sommes en train de vérifier", a déclaré la ministre des Armées Florence Parly, interpellée à l'Assemblée nationale sur ce chargement. "Et quand bien même ce serait le cas, cela serait-il étonnant ? Non, car nous avons un partenariat avec l'Arabie saoudite", a-t-elle poursuivi dans une ambiance houleuse, interrompue par un "vous mentez !" de François Ruffin, député de la gauche radicale.

L'armateur dément toute cargaison d'armes

Un représentant en France de l'armateur du cargo saoudien Bahri Tabuk a formellement démenti de son côté toute cargaison d'armes auprès de l'AFP mardi. "Le navire va charger demain (mercredi), pour le compte de (l'entreprise allemande) Siemens, des stations mobile d'électricité à usage civil, et cela représente 100% de sa marchandise", a affirmé un porte-parole de la société Shipping Agency Service, qui représente en France l'armateur saoudien Bahri. "Les informations sur un chargement d'armes ou d'explosifs sont complètement bidons". "Ce sont des Fake News, comme c'était déjà le cas au Havre", a insisté le représentant de SAS.

L'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) France a indiqué qu'elle déposait devant un tribunal administratif parisien un référé exigeant que soit levé le dédouanement, c'est-à-dire l'autorisation pour le cargo de prendre la mer avec son chargement. Amnesty International a pour sa part appelé la France à bloquer le départ de ce "bateau de la honte", son chargement pouvant servir pour des "crimes de guerre" commis par les forces saoudiennes au Yémen. Dans un communiqué, l'ONG affirme que le Bahri Tabuk serait arrivé à Fos-sur-Mer avec des véhicules blindés canadiens à bord. Il y a des "raisons légitimes" de penser que des munitions françaises vont aussi être chargées, poursuit Amnesty.

Précédents

Le 10 mai dernier, un autre cargo saoudien de la compagnie Bahri, le Bahri Yanbu, avait renoncé à accoster au port du Havre où il devait prendre livraison d'armes françaises. L'affaire avait été là aussi dévoilée par Disclose. Ce média indépendant a également révélé mi-avril une note confidentielle de la Direction du renseignement militaire (DRM), listant les armes françaises utilisées au Yémen et la possibilité qu'elles puissent toucher des civils. 

Le gouvernement français réplique invariablement que la destination et l'utilisation de ces armes sont extrêmement contrôlées et qu'elles sont utilisées à titre "défensif". Une source gouvernementale a également souligné à l'AFP que les contrats d'armements passés avec l'Arabie saoudite étaient respectés et ne violaient aucun embargo sur les armes. Mais les ONG dénoncent le manque de contrôle et l'opacité de ces transferts d'armement.