"Panama papers" : les Islandais profondément choqués

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Au lendemain des révélations de l’implication du Premier ministre islandais dans l’affaire des paradis fiscaux, 10% de la population est descendue dans la rue.

Ce sont des manifestations qui réveillent de vieux fantômes. Lundi, 10% des Islandais (ils sont 327.000 au total sur l’île) sont descendus dans la rue pour manifester leur colère contre leur Premier ministre Sigmundur David Gunnlaugsson. Ce dernier fait partie de la liste des 140 personnalités ayant des avoirs dans des paradis fiscaux, gérés par le cabinet d’avocat panaméen Mossack Fonseca.

Selon les "Panama papers", Sigmundur David Gunnlaugsson a créé en 2007 avec sa future épouse une société dans les îles Vierges britanniques, appelée Wintris, pour y parquer des millions de dollars, jusqu'à ce qu'il lui cède ses parts fin 2009 pour un dollar symbolique. Une affaire que les Islandais ont du mal à digérer, d’autant que le chef du gouvernement a été élu, en 2013, au terme d’une longue période de défiance du peuple islandais envers la classe politique et le monde de la finance.

Sigmundur David Gunnlaugsson était censé incarner une rupture avec la classe politique, mais aujourd’hui c’est un divorce avec le peuple islandais qui se profile. Dans les rues de la capitale Reykjavik, les manifestants brandissaient des pancartes "Nous en avons fini avec ces scandales", écœurés de voir leur pays empêtré dans un nouveau scandale financier. "Sur les 100.000 habitants de la capitale, 22.000 étaient dans la rue lundi soir", assure Pall, un journaliste islandais qui couvrait l’événement. Pour lui, il ne fait aucun doute que le Premier ministre finira par démissionner.

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" Les Islandais sont sous le choc "

La manifestation a rassemblé plus de monde que celles qui en 2009, après la révélation des graves manquements des responsables politiques dans la surveillance des banques, avaient poussé le gouvernement de droite à la démission. "Les Islandais sont sous le choc", explique Jérôme Skalski, auteur de La révolution des casseroles, du nom de la protestation des Islandais en 2008 après la crise des subprimes.

"Il y a eu en 2008 un choc moral et politique très fort dans le pays, après que trois grosses banques ont fait faillite. Après cette crise, la classe politique avait été entièrement renouvelée, alors aujourd’hui ils ne comprennent pas pourquoi il y a une nouvelle affaire", poursuit le spécialiste.

C’est une question de moralité. Fils de député et à l'origine journaliste, Sigmundur David Gunnlaugsson était censé incarner une rupture avec la classe politique, y compris celle de son parti, qui avait fermé les yeux sur la frénésie d'expansion des banques islandaises. Celle-ci s'est terminée par une crise financière historique, une récession, et un sauvetage du Fonds monétaire international. L'opposition de gauche a donc déposé une motion de défiance qui doit être soumise au vote à une date qui reste à déterminer.

Il reste maintenant à prouver que Sigmundur David Gunnlaugsson s’est rendu coupable d'évasion fiscale. Lui, s’en défend formellement. Il a d’ailleurs déclaré lundi qu’il ne démissionnerait pas, malgré les demandes de l’opposition et d’une partie des Islandais. Mais, comme le souligne Jérôme Skalski, compte tenu du passif de l’Islande en matière de scandales financiers, "ce n’est pas la question de l’illégalité qui jouera sur l’avenir du Premier ministre, mais celle de l’immoralité".