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Caroline Baudry avec AFP
Les chefs d'état-major de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) devaient faire part à leurs dirigeants "des meilleures options" pour donner suite à leur décision d'activer et de déployer sa "force en attente", plus de deux semaines après la prise de pouvoir des putschistes au Niger.

Des milliers de partisans des militaires qui ont pris le pouvoir au Niger ont crié vendredi leur colère contre la France et les pays ouest-africains de la Cedeao, dont une réunion clé de ses chefs d'état-major, sur le déploiement d'une force pour rétablir le président Mohamed Bazoum, a été reportée. Cette réunion, initialement prévue ce samedi à Accra, a été repoussée sine die pour "des raisons techniques", selon des sources militaires régionales.

Une possible intervention militaire en attente

Les chefs d'état-major de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) devaient faire part à leurs dirigeants "des meilleures options" pour donner suite à leur décision d'activer et de déployer sa "force en attente". "À bas la France, à bas la Cedeao", ont scandé les manifestants lors d'un rassemblement dans le calme, au lendemain du sommet de Cedeao qui a autorisé, jeudi à Abuja, une possible intervention militaire pour rétablir l'ordre constitutionnel.

Ils ont brandi des drapeaux russes et nigériens et crié leur soutien aux militaires au pouvoir, en particulier à leur chef, le général Abdourahamane Tiani. "Nous allons faire partir les Français ! La Cedeao n'est pas indépendante, c'est une manipulation de la France, il y a une influence extérieure", a dit Aziz Rabeh Ali, membre d'un syndicat étudiant. Les militaires nigériens ont pris la France, ex-puissance coloniale, pour cible privilégiée, l'accusant d'être à l'origine de la décision de la Cedeao. La France, alliée du Niger avant le coup d'Etat et soutien indéfectible du président renversé, y compte quelque 1.500 hommes engagés avec l'armée nigérienne dans la lutte contre les groupes jihadistes au Sahel.

 

Blinken se dit "consterné"

Le calendrier et les modalités d'une éventuelle intervention militaire ouest-africaine au Niger n'ont pas été dévoilés. Selon le président ivoirien Alassane Ouattara, dont le pays contribuera à cette "force en attente", elle devrait pouvoir intervenir "dans les plus brefs délais". Plus de deux semaines après le coup d'Etat qui l'a renversé le 26 juillet, les inquiétudes s'accentuent pour le président Mohamed Bazoum, retenu prisonnier avec sa femme et son fils, dans des conditions "inhumaines", selon l'ONU.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken s'est dit "consterné" vendredi par le refus des militaires de libérer, en "signe de bonne volonté", la famille de Mohamed Bazoum. Selon un des proches de ce dernier, les nouveaux maîtres de Niamey ont brandi "la menace" de s'en prendre à lui si une intervention armée avait lieu. "L'intervention va être risquée, il en est conscient, il considère qu'il faut un retour à l'ordre constitutionnel, avec ou sans lui", car "l'état de droit est plus important que sa personne", a assuré l'un de ses conseillers.

 

"Résolution pacifique"

À Abuja, la Cedeao a toutefois réaffirmé son espoir d'une résolution par la voie diplomatique: le président du Nigeria Bola Tinubu, qui assure la présidence tournante de l'organisation, a dit espérer "parvenir à une résolution pacifique", un recours à la force n'étant envisagé qu'en "dernier ressort". Les décisions de la Cedeao ont reçu le "plein soutien" de la France, ainsi que des États-Unis. Ces deux pays avaient fait du Niger un pivot de leur dispositif dans la lutte contre les jihadistes armés qui sèment la mort dans un Sahel déstabilisé.

La menace d'intervention avait été brandie une première fois le 30 juillet par les dirigeants ouest-africains qui avaient lancé un ultimatum de sept jours aux militaires de Niamey pour rétablir le président Bazoum, sous peine d'utiliser "la force", non suivi d'effet. Depuis, les militaires nigériens se sont montrés intransigeants. Ils ont refusé mardi d'accueillir une délégation conjointe de la Cedeao, de l'Union africaine (UA) et de l'ONU. Ils ont également annoncé la formation d'un nouveau gouvernement dirigé par un Premier ministre civil, qui s'est pour la première fois réuni vendredi.

Le Mali et le Burkina Faso voisins, eux aussi dirigés par des militaires, ont affiché leur solidarité avec Niamey. Selon un conseiller de la présidence malienne sous couvert d'anonymat, l'un des hommes forts du régime nigérien, le général Salifou Mody, nouveau ministre de la Défense, a effectué une courte visite au Mali vendredi.