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avec AFP , modifié à
La tension est encore montée d'un cran dans le pays, alors que la date butoir donnée par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) pour rétablir l'ordre constitutionnel approche. De son côté, Paris s'est fustigé de la décision de Niamey de dénoncer les accords militaires entre les deux pays.
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La France a réagi vendredi à la dénonciation des accords de coopération militaire par les putschistes au Niger en soulignant que "seules les autorités nigériennes légitimes" étaient en mesure de les rompre. "La France rappelle que le cadre juridique de sa coopération avec le Niger en matière de défense repose sur des accords qui ont été conclus avec les autorités nigériennes légitimes", a indiqué vendredi le ministère français des Affaires étrangères. Ces autorités "sont les seules que la France, comme l'ensemble de la communauté internationale, reconnaît", a-t-il ajouté, tout en "prenant note" du communiqué de la junte.

Les principales informations à retenir : 

  • La France a réagi vendredi à la dénonciation des accords de coopération militaire par les putschistes au Niger en soulignant que "seules les autorités nigériennes légitimes" étaient en mesure de les rompre.
  • L'ambassadrice du Niger en France toujours à son poste, "refuse" d'appliquer la décision des putschistes
  • Le gouvernement allemand a appelé vendredi à poursuivre les "efforts de médiation" avec la junte militaire qui a pris le pouvoir par la force au Niger pour trouver une issue politique et éviter toute intervention armée
  • La diplomatie reste la "solution privilégiée" pour rétablir l'ordre constitutionnel au Niger, a déclaré vendredi le ministre béninois des Affaires étrangères
  • Les Pays-Bas ont annoncé à leur tour vendredi la suspension de leur aide au développement et de leur coopération directe avec le Niger

Les Pays-Bas suspendent leur aide au développement

Après la France et l'Allemagne, les Pays-Bas ont annoncé à leur tour vendredi la suspension de leur aide au développement et de leur coopération directe avec le Niger après le coup d'Etat militaire contre le président élu Mohamed Bazoum. "A la suite du coup d'État au Niger, le cabinet a suspendu pour le moment la coopération directe avec le gouvernement central" de ce pays africain, a déclaré le ministère néerlandais des Affaires étrangères. "Il s'agit du soutien aux programmes dans le domaine de la coopération au développement et de la sécurité qui passent par le gouvernement central", a-t-il précisé dans un communiqué soulignant ne pas vouloir "coopérer avec les putschistes".

Ont notamment été suspendues une contribution de plus de six millions d'euros à un projet de santé et une aide de près de quatre millions d'euros destinée à un programme de renforcement du système pénitentiaire. Un soutien de cinq millions d'euros à la formation des gardes-frontières mobiles, dans le cadre d'une mission européenne, est également "suspendu pour le moment". Le gouvernement démissionnaire a cependant dit étudier "quels autres programmes pourraient éventuellement se poursuivre" sans passer par le gouvernement central pour soutenir la population, par exemple via l'ONU, d'autres organisations internationales et des partenaires locaux.

La diplomatie reste "la solution privilégiée"

La diplomatie reste la "solution privilégiée" pour rétablir l'ordre constitutionnel au Niger, a déclaré vendredi le ministre béninois des Affaires étrangères, qui a assuré du soutien du Bénin à la Cédéao en cas d'actions à venir. "La position de la Cédéao à laquelle le Bénin s'allie est de libérer et de rétablir le président Bazoum dans ses fonctions", a déclaré M. Olushegun Adjadi Bakari lors d'une conférence de presse à Cotonou.

"Les actions diplomatiques en cours restent la solution privilégiée par tous pour l'instant. Mais si demain, (....) quelles qu'actions que prendrait la Cédéao, le Bénin s'inscrirait dans cette action en tant que membre de la Cédéao", a précisé le ministre.

L'ambassadrice du Niger en France toujours à son poste, "refuse" d'appliquer la décision des putschistes

L'ambassadrice du Niger en France, Aïchatou Boulama Kané, a affirmé vendredi à l'AFP "être toujours" l'ambassadrice en France "du président légitime Mohamed Bazoum", ajoutant qu'elle rejetait "comme nulle et non avenue" la décision des putschistes de mettre fin à ses fonctions. "Je suis toujours l'ambassadrice du président légitime Bazoum Mohamed et je me considère comme telle", a-t-elle déclaré dans un entretien à l'AFP.

La notification des putschistes "de mettre fin à (mes) fonctions je la considère comme nulle et non avenue; elle a été prise par un pouvoir illégitime, je suis l'ambassadrice du Niger en France", a martelé la diplomate, en poste en France depuis décembre 2021. Jeudi soir, les militaires auteurs d'un coup d'Etat au Niger ont annoncé mettre "fin" aux "fonctions" d'ambassadeurs du Niger en France, aux Etats-Unis, au Nigeria et au Togo, dans un communiqué lu à la télévision nationale, au moment où les pressions pour rétablir l'ordre constitutionnel au Niger se multiplient internationalement.

"Il est mis fin aux fonctions des ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de la république du Niger (...) auprès de la république française", du "Nigeria", auprès de "la république togolaise" et "auprès des Etats-Unis", a déclaré un des putschistes. Aïchatou Boulama Kané précise avoir reçu cette notification "par lettre", dans laquelle les putschistes désignent un chargé d'affaires pour la remplacer, en l'occurrence le premier conseiller de l'ambassade du Niger en France. "J'ai signifié au premier conseiller que je rejette cette décision", a lancé à l'AFP vendredi l'ambassadrice.

Berlin appelle à poursuivre "les efforts de médiation" avec la junte

Le gouvernement allemand a appelé vendredi à poursuivre les "efforts de médiation" avec la junte militaire qui a pris le pouvoir par la force au Niger pour trouver une issue politique et éviter toute intervention armée. "Il est important que nous laissions tout d'abord la place aux efforts de médiation et que ces efforts de médiation puissent être menés à bien, dans l'espoir qu'une solution politique en résulte", a déclaré un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères lors d'une conférence de presse régulière.

Une délégation de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (Cédéao), conduite par l'ex-président nigérian Abdulsalami Abubakar, est repartie de Niamey dans la nuit de jeudi à vendredi après avoir fait des propositions de "sortie de crise" auprès de membres de la junte. "Je ne sais pas si la médiation a échoué ou non", a poursuivi le porte-parole, interrogé à ce sujet, jugeant qu'il ne fallait pas tirer de conclusions hâtives du départ de la délégation après quelques heures.

"Parfois, on met ses attentes sur la table et la partie adverse doit encore y réfléchir un jour ou deux", a-t-il dit. Pour Berlin, il semble que le processus de négociations n'en soit qu'"à son début".

L'UE condamne "fermement" la suspension de France 24 et RFI

L'Union européenne a jugé vendredi "inacceptable" la suspension de la diffusion des médias France 24 et RFI au Niger, et condamné "fermement" ces "violations aux libertés fondamentales".

Radio France internationale (RFI) et la chaîne France 24 sont inaccessibles depuis jeudi au Niger, où un coup d'Etat militaire a renversé le président élu Mohamed Bazoum. "Cette mesure est une atteinte grave au droit à l'information et à la liberté d'expression", a indiqué une porte-parole de la Commission sur Twitter, rebaptisé "X".

Des conséquences "dévastatrices" selon Bazoum, si le coup d'État réussit

Le président élu du Niger Mohamed Bazoum a prédit des "conséquences dévastatrices" dans la région si le coup d'Etat réussit dans son pays et appelé la communauté internationale à l'aide, les putschistes promettant pour leur part une "riposte immédiate" à "toute agression". Tard jeudi, dans un communiqué lu à la télévision, les putschistes ont dénoncé "les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense avec la France", dont un contingent militaire est déployé au Niger.

Et ils ont promis une "riposte immédiate" à "toute agression" de la part d'un pays de la Cédéao, hors Mali et Burkina Faso, membres "amis" suspendus, eux aussi dirigés par des putschistes. Ces annonces sont intervenues peu après l'arrivée d'une délégation du bloc ouest-africain à Niamey pour tenter de trouver une sortie de crise, huit jours après le coup d'Etat au Niger qui a renversé le 26 juillet Mohamed Bazoum.

Celui-ci s'est exprimé jeudi soir, dans une tribune publiée par le quotidien américain Washington Post. Il a mis en garde contre les conséquences "dévastatrices" du coup d'Etat pour le monde et le Sahel, qui pourrait passer, selon lui, sous l'"influence" de la Russie par le biais du groupe paramilitaire Wagner. "J'appelle le gouvernement américain et l'ensemble de la communauté internationale à aider à restaurer l'ordre constitutionnel", écrit-il, "à titre d'otage", dans sa première déclaration publique depuis son renversement.

Plusieurs forces prêtes à intervenir

La Cédéao, qui a imposé de lourdes sanctions à Niamey, a donné jusqu'à dimanche aux putschistes pour rétablir Mohamed Bazoum, sous peine de potentiellement utiliser "la force". Le président du Nigeria Bola Tinubu, aussi président en exercice de la Cédéao, a toutefois demandé à Abdulsalami Abubakar, à la tête de la délégation, de "tout faire" pour trouver une "résolution à l'amiable".

L'organisation, qui a notamment suspendu les transactions financières avec le Niger, a dit se préparer à une opération militaire, même si elle a souligné qu'il s'agissait de "la dernière option sur la table". Les chefs d'état-major de la Cédéao sont réunis à Abuja jusqu'à vendredi. Plusieurs armées ouest-africaines, dont celle du Sénégal, se disent prêtes à intervenir si l'ultimatum n'est pas respecté dimanche.

Evacuations

Des incidents dimanche lors d'une manifestation devant l'ambassade de France à Niamey ont entraîné l'évacuation mardi et mercredi de 577 Français. Des milliers de manifestants soutenant la junte au pouvoir sont sortis jeudi dans le calme dans les rues de plusieurs villes nigériennes, à l'appel du M62, une coalition d'organisations de la société civile "souverainistes".

Nombre d'entre eux scandaient des slogans critiques de la France et brandissaient des drapeaux de la Russie -- dont se sont déjà rapprochés le Mali et le Burkina. Les accès à l'ambassade française et à d'autres chancelleries proches étaient bloqués jeudi par les forces de l'ordre nigériennes, ont constaté des journalistes de l'AFP. Avant la manifestation, Paris avait rappelé "que la sécurité des emprises et des personnels diplomatiques (étaient) des obligations au titre du droit international".

Selon le chef de la junte, le général Abdourahamane Tiani, il n'y a "aucune raison objective" de "quitter" le pays. Les Etats-Unis, partenaires du Niger comme la France, ont de leur côté affrété un avion pour évacuer leur personnel non essentiel dans le pays, quand le président Joe Biden a appelé "à la libération immédiate du président Bazoum". Les deux alliés de ce pays en proie à des violences jihadistes depuis plusieurs années y déploient respectivement 1.100 et 1.500 militaires, dont l'évacuation n'est pas prévue. 

Mohamed Bazoum, 63 ans, est retenu avec sa famille depuis le jour du putsch dans sa résidence présidentielle. L'électricité y a été volontairement coupée jeudi, a affirmé son parti.