Laurent Isnard, chef des opérations spéciales : "Nous ne savions pas si les otages seraient capables de survivre"

Laurent Isnard chef opérations spéciales armée française ISSOUF SANOGO / AFP
Laurent Isnard est le chef du commandement des opérations spéciales. © ISSOUF SANOGO / AFP
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Laurent Isnard, chef du commandement des opérations spéciales, explique au JDD l’urgence de l’opération qui a permis de libérer les deux otages français au Burkina Faso.

La mort de deux soldats des forces spéciales, lors de l’opération de libération des otages enlevés le 1er mai dernier au Bénin, a provoqué un vif émoi. Le vice-amiral Laurent Isnard, chef du commandement des opérations spéciales, est revenu dans les colonnes du JDD sur la genèse de cette mission à hauts risques, qu’il a proposé au chef d’état-major des armées. "Nous savions parfaitement que les premières heures, les premiers jours sont une période cruciale pour avoir une chance de libérer des otages. De plus, nous ne savions pas si les otages seraient capables de supporter ou de survivre à plusieurs années de détention dans des conditions extrêmement difficiles. Il faut donc savoir prendre des décisions très rapides lorsque des opportunités s’offrent à nous", a expliqué Laurent Isnard.

Les deux ex-otages sont rentrés samedi en fin d’après-midi en France, à la base aérienne de Villacoublay. Ils ont été libérés dans la nuit de jeudi à vendredi en même temps qu'une Sud-Coréenne et une Américaine qui étaient captives depuis 28 jours.

Une opération montée "en seulement quelques heures"

Laurent Isnard a raconté le déroulé de cette opération, qui a été décidée en seulement quelques heures. "Après discussion avec nos commandos sur le terrain, l’état-major du commandement des opérations spéciales, ici à Paris, a planifié avec eux une opération en seulement quelques heures. Nous avons reçu une première bribe d’information sur la localisation du campement en tout début d’après-midi et nous avons donné l’assaut dans la nuit", a-t-il dit au JDD

"C’était une occasion unique, sachant que l’action était pointue. Car les terroristes ont pour consigne d’abattre leurs otages si ceux-ci risquent d’être libérés. Les commandos devaient donc s’approcher au plus près, en toute discrétion, pour être absolument certains de neutraliser les terroristes et de libérer les otages sains et saufs. C’est la raison pour laquelle nos commandos sont entrés simultanément dans les différentes huttes sans être certains de ce qu’ils y trouveraient. Il y a donc bien eu une prise de risque, assumée, partagée, car elle fait partie de notre métier."

"Tant que des citoyens français seront menacés et que nous recevrons la décision d’aller les chercher, nous irons les chercher"

Alors que la polémique monte sur "l’imprudence" des deux Français, qui étaient en visite touristique au Bénin au moment de leur enlèvement, le chef du commandement des opérations spéciales a refusé d’entrer dans ce débat. "Nous n’avons aucun doute sur le bien-fondé de notre mission. Et ce n’est pas à moi de juger si la mission d’aller porter secours à une personne est légitime. Lorsque le peloton de gendarmerie de haute montagne va chercher des skieurs qui font du hors-piste, il ne se pose pas la question de savoir d’où ils viennent ou qui ils sont. Il en est de même pour nous. Tant que des citoyens français seront menacés et que nous recevrons la décision d’aller les chercher, nous irons les chercher. C’est notre métier, c’est notre mission et nous continuerons à la faire."