Hubert Védrine 10:18
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Ophélie Artaud , modifié à
Alors que des négociations en vue d'une nouvelle trêve à Gaza sont en cours, et que la situation humanitaire est catastrophique dans la région, y'a-t-il une solution à long terme ? Invité du Grand Rendez-vous, l'ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine a apporté son analyse. Selon lui, "l'urgence, c'est de retrouver une voie vers un État palestinien".

La situation humanitaire est au bord de la rupture dans la bande de Gaza. Plus de 30.410 Palestiniens sont morts depuis la riposte d'Israël contre le Hamas, après l'attaque terroriste du 7 octobre. Jeudi, une distribution d'aide humanitaire a tourné au drame après que des soldats israéliens, se sentant "menacés", selon Tsahal, ont ouvert le feu. Une bousculade s'en est suivie. En tout, 118 personnes sont mortes et 760 blessées, selon le Hamas. Alors que la famine menace Gaza, les États-Unis ont commencé à participer au largage d'aide humanitaire. Aussi, des négociations ont repris ce dimanche pour tenter d'obtenir une trêve entre Israël et le Hamas pendant la période du ramadan, qui débute le 10 mars prochain. Mais y'a-t-il une solution à long terme ?

Invité du Grand Rendez-vous d'Europe 1/ CNews/ Les Echos, Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, auteur de Grands diplomates. Les maîtres des relations internationales de Mazarin à nos jours (éd. Perrin) a apporté son analyse sur cette guerre entre Israël et le Hamas. Selon lui, "l'urgence, c'est de retrouver une voie vers un État palestinien".

Pour Hubert Védrine, "il n'y a pas de puissance en Israël ou à l'extérieur qui puisse arrêter l'action de l'armée israélienne" et "le jour où ça s'arrêtera, vous verrez qu'une grande partie de l'opinion israélienne dira 'on n'a pas été assez loin, on n'a pas détruit tout le Hamas, il reste des gars dangereux, etc'", notamment parce que le Hamas "ne pourra jamais être complètement éradiqué car c'est un système aussi bien politique que militaire".

Selon le diplomate, il faut "revenir à cette question" d'une solution à deux États. "Dans ma vie au pouvoir, j'ai participé à presque tous les processus de paix. J'ai connu les petites minorités très courageuses qui, au sein d'Israël, s'étaient résignées à ce qu'il y ait un État palestinien, et au sein du monde palestinien s'étaient résignées à reconnaître Israël. C'étaient des minorités souvent combattues dans leur camp", explique-t-il, reprenant les exemples du président égyptien Anouar el-Sadate assassiné par un islamiste égyptien, et du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin assassiné par un extrémiste juif.

"Le camp de la paix renaît"

Actuellement, le président américain Joe Biden est l'un des seuls à avoir remis sur la table cette possibilité d'une solution à deux États, sans être entendu "pour le moment, car il attend que quelque part en Israël, les gens écartent Netanyahou pour mettre en place le général Gantz", analyse Hubert Védrine. Mais pour l'ancien ministre, même si toutes les conditions sont réunies pour entamer une négociation pour un État palestinien, "les cinglés des deux côtés vont essayer de les éliminer. Dès que ça va recommencer, les mêmes extrémistes fanatiques qui n'acceptent aucun État palestinien ou pas du tout Israël vont recommencer", avance-t-il.

Mais avant cela, pour Hubert Védrine, "il faudrait que les États-Unis obtiennent que les opérations s'arrêtent, [puis] remettre dans le jeu les dirigeants arabes qui avaient été imprudents en allant trop loin dans les accords d'Abraham, sans rien d'obtenir pour les Palestiniens. On a tous été victimes collectivement de la politique Netanyahou qui disait 'il n'y a pas de problème palestinien, et de toute façon je n'ai pas d'interlocuteur'. Il a tout fait pour qu'il n'y ait qu'un monstre en face."

Selon le diplomate, "le camp de la paix renaît" et "il y a une chance faible, une sorte de cercle vertueux qui redémarre le processus. Mais cela peut paraitre purement utopique, et dans ce cas, on va de drame en drame", s'inquiète-t-il. "Mais paradoxalement, cette idée [d'une solution à deux États] qui semblait irréaliste est réétudiée", souligne Hubert Védrine, qui espère une implication de la France en cas de processus de négociations.