États-Unis : une descendante d'esclaves attaque Harvard pour une photo de ses ancêtres

Tamara Lanier crédit : KEVIN HAGEN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP - 1280
Tamara Lanier réclame la restitution par l'université de Harvard des clichés des ancêtres dont elle se réclame la descendante. © KEVIN HAGEN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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avec AFP
Tamara Lanier, qui affirme descendre directement d'esclaves ayant été photographiés à la demande d'un professeur d'Harvard en 1850, attaque la prestigieuse université américaine.

Une femme qui affirme être descendante directe d'esclaves photographiés en 1850 à la demande d'un professeur raciste de Harvard a attaqué mercredi en justice la prestigieuse université américaine, l'accusant d'exploiter "honteusement" les images de ses ancêtres.

Des photos utilisées pour "prouver l'infériorité biologique des Noirs", selon la plaignante

Au centre de cette plainte de 24 pages, déposée par Tamara Lanier devant un tribunal de l'État du Massachusetts : une série de photographies d'un esclave et de sa fille, connus sous leurs seuls prénoms de Renty et Delia, prises en 1850 en Caroline du Sud. Les clichés conservés dans un musée de Harvard, passent pour les premières photographies connues d'esclaves noirs américains. Elles furent commandées par un célèbre biologiste de Harvard, Louis Agassiz (1807-1873), un Suisso-Américain connu pour ses travaux sur les glaciers mais aussi pour ses théories sur la supériorité des personnes blanches. 

Renty et Delia furent forcés de poser en partie dénudés, "sans dignité ni compensation", le professeur entendant par ces images "prouver l'infériorité biologique des Noirs", affirme Tamara Lanier, ex-contrôleuse judiciaire du Connecticut aujourd'hui retraitée.

Une plainte militante concernant ce "chapitre grotesque" de l'histoire

Alors que plusieurs vieilles universités américaines ont reconnu ces dernières années leurs liens historiques avec l'esclavage, Tamara Lanier accuse l'université de Boston de ne pas faire acte de contrition pour ce "chapitre grotesque" de son histoire, et d'avoir "aseptisé" et "exploité" ces images depuis des décennies. Elle dénonce notamment un livre publié par Harvard en 2017, vendu 40 dollars (soit 35 euros), avec une photo de Renty en couverture, qui se présente comme un ouvrage sur l'utilisation de la photographie en anthropologie. 

En rejetant sa demande de récupérer les clichés, "Harvard perpétue la subversion systématique des droits des Noirs à la propriété" qui a commencé avec l'esclavage, affirme Tamara Lanier. Et en contestant ses liens de descendance avec Renty, ajoute-t-elle, "Harvard capitalise honteusement sur les dommages intentionnellement causés à la généalogie des Noirs américains par un siècle de politiques" de séparation des familles, d'effacement des noms de famille des esclaves, et d'analphabétisme forcé.

Tamara Lanier réclame à Harvard la restitution immédiate des photographies de Renty et Delia, la reconnaissance par Harvard que l'université s'est rendue "complice en perpétuant et en justifiant l'esclavage". Elle demande aussi le remboursement des bénéfices réalisés grâce à ces photos, et des dommages et intérêts d'un montant non précisé. La direction de Harvard s'est refusée pour l'instant à tout commentaire, affirmant simplement ne pas avoir encore reçu la plainte.