Depuis son retour au pouvoir, le régime taliban a progressivement réduit les droits des Afghanes. 1:32
  • Copié
Sébastien Le Belzic avec AFP / Crédit photo : AFP , modifié à
Cinq femmes afghanes, "menacées par les talibans" en Afghanistan, vont être accueillies lundi en France après une opération d'évacuation menée du Pakistan où elles avaient trouvé refuge, a annoncé l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii).

Une première modeste, mais symbolique. La France accueille lundi une poignée d'Afghanes menacées par les talibans et exilées au Pakistan voisin, une opération d'évacuation réclamée de longue date par leurs soutiens qui appellent Paris à changer de braquet avec un couloir humanitaire dédié aux femmes. Elles sont pour l'instant cinq Afghanes, dont une accompagnée de trois enfants, qui doivent atterrir lundi après-midi à l'aéroport parisien de Roissy, plusieurs mois après avoir fui le régime taliban qui a repris le pouvoir en Afghanistan à l'été 2021.

Anciennes directrices de l'université des Sciences, consultante pour des ONG, présentatrice de télévision ou encore enseignante dans une "école secrète de Kaboul", elles ont en commun de ne pas avoir pu bénéficier des ponts aériens vers les pays occidentaux lors de la chute du pouvoir aux mains des talibans. Et d'avoir dû fuir par leurs propres moyens vers le Pakistan, limitrophe.

"Selon les consignes données par le président de la République, une attention toute particulière est portée sur des femmes prioritairement menacées par les talibans parce qu'elles ont eu des positions importantes dans la société afghane (...) ou des contacts étroits avec les Occidentaux. C'est le cas des cinq femmes qui arrivent aujourd'hui", a indiqué à l'AFP Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), organe sous tutelle du ministère de l'Intérieur.

Des centaines au Pakistan

Dès leur arrivée, ces femmes seront hébergées d'abord dans un centre de "transit" en région parisienne, enregistrées comme demandeuses d'asile puis orientées vers des hébergements "de longue durée", le temps que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) statue sur leurs dossiers, a-t-il précisé. "À bas bruit, l'opération Apagan (d'exfiltration des Afghans vers la France) continue", a ajouté le préfet Didier Leschi, soulignant que ce genre d'opération d'évacuation est "amenée à se reproduire si d'autres femmes correspondant à ce profil ont trouvé refuge au Pakistan".

"Merci (au) gouvernement de montrer que c'est possible", a réagi lundi l'ancienne ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem, désormais présidente de l'ONG France terre d'asile, dont un centre accueillera ces femmes dans un premier temps. "Prochaine étape : sortir du compte-gouttes pour mettre en place un véritable sas humanitaire à l'attention de ces Afghanes", a-t-elle réclamé sur X, anciennement Twitter.

Pour l'heure, si ces arrivées constituent "une bonne nouvelle", elles ne sont "pas le fruit d'une décision politique" mais ont été "obtenues de haute lutte" par des militants qui ont bataillé "pour obtenir des visas" à ces femmes, a déploré auprès de l'AFP Delphine Rouilleault, directrice générale de France terre d'asile. L'association, qui soutient depuis plusieurs mois les appels à exfiltrer ces femmes, estime à des centaines le nombre d'Afghanes "cachées" au Pakistan.

"Délaissées"

À l'été 2021, le président Emmanuel Macron avait promis que la France resterait "aux côtés des Afghanes", en pleine opération d'évacuation - 15.769 personnes entre le printemps 2021 et fin juillet 2023, selon les autorités. Deux ans plus tard, "les femmes, en particulier les femmes seules et qui ne disposaient pas de l'entregent nécessaire, ont été largement délaissées", avait déploré fin avril dans une tribune au Monde le collectif Accueillir les Afghanes, piloté par des journalistes.

Depuis son retour au pouvoir, le régime taliban a progressivement réduit les droits des Afghanes qui ne peuvent plus être scolarisées après 12 ans, accéder aux universités ni aux parcs ou aux salles de sport. Les femmes, qui doivent se couvrir entièrement lorsqu'elles sortent de chez elles, n'ont plus le droit, également, de travailler pour les ONG et sont exclues de la plupart des postes de fonctionnaires.

L'évacuation opérée lundi sera-t-elle suivie d'autres, plus conséquentes ? Sollicités, ni le Quai d'Orsay, ni l'Élysée n'ont souhaité s'exprimer. Et sans prise de position du gouvernement, déplore France terre d'asile, l'opération n'a pas valeur d'"engagement de la France".