Dans la tourmente, combien de temps Donald Trump pourra-t-il tenir à la Maison-Blanche ?

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Anaïs Huet , modifié à
Pris dans une spirale infernale de révélations, Donald Trump voit sa crédibilité de président des Etats-Unis sérieusement élimée. Peut-on toutefois imaginer un départ précipité du Bureau ovale ?

Soupçons de liens avec la Russie, directeur du FBI limogé, informations classifiées révélées… Les affaires - au mieux embarrassantes, au pire dévastatrices - s'amoncellent pour Donald Trump. Depuis quelques semaines, et plus particulièrement ces derniers jours, l'étau se resserre autour du 45e président des Etats-Unis. De là à le faire quitter précipitamment la Maison-Blanche ? Si les démocrates en rêvent depuis le premier jour de son investiture, la procédure de destitution n'est pas si simple à mettre en œuvre, et son résultat est loin d'être assuré. 

Des révélations quasi-quotidiennes

La semaine a très mal commencé pour le magnat de l'immobilier. Lundi, le Washington Post révèle qu'au cours d'une entrevue avec le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et l'ambassadeur russe à Washington Sergueï Kisliak, Donald Trump a divulgué des informations hautement classifiées, pouvant mettre en danger une source informée sur l'Etat islamique. Dans une série de tweets dont seul Donald Trump a le secret, il assume avoir donné des informations à la Russie, déclarant qu'il en avait le droit. Première tempête à la Maison-Blanche.

Mardi, c'est au tour du New York Times d'entamer la crédibilité du président américain. Le quotidien affirme qu'en février dernier, Donald Trump aurait expressément demandé à l'ancien directeur du FBI, James Comey, sèchement limogé depuis, de cesser les investigations autour de son ancien conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn, concernant ses liens supposés avec la Russie. Ce dernier a été contraint à la démission le 13 février, après la révélation de contacts répétés avec l'ambassadeur russe aux États-Unis, alors même que l'administration Obama imposait des sanctions contre Moscou. Cette initiative de Donald Trump, si elle était avérée, constituerait ni plus ni moins qu'une obstruction de justice, un crime prix très au sérieux aux Etats-Unis, passible de la destitution.

Mercredi, Robert Mueller, ancien chef du FBI et respecté par tous, a été nommé procureur spécial aux Etats-Unis pour garantir l'indépendance de l'enquête sur une éventuelle collusion entre des proches de Donald Trump et la Russie. S'il était avéré que le président américain a fauté, ses moyens de pression sur la justice seraient alors réduits à néant. Trump est dans l'œil du cyclone.

Donald Trump lâché par ses troupes ? 

La nomination de Robert Mueller, saluée unanimement pas les élus républicains et démocrates, fait les affaires des anti-Trump. En effet, depuis l'investiture, le camp démocrate cherche par tous les moyens à abréger le mandat du magnat de l'immobilier, dont les impairs se multiplient. Les républicains - qui rejetaient fermement la candidature du milliardaire lors des primaires - affichaient jusqu'alors leur unité derrière le président. Mais cela pourrait s'arrêter tout net avec la révélation de ces nouvelles affaires, dont chacun au sein du parti paye indirectement le prix en terme d'image. Le républicain Bob Corker, en charge des affaires étrangères au Sénat, a admis que la Maison-Blanche était dans une "spirale infernale". D'autres, comme Paul Ryan, président de la Chambre des représentants et figure du camp républicain, ont fermement rappelé les règles de "protection des secrets" de la nation. La crispation gagne du terrain.

Le tourbillon des affaires a déjà commencé à emporter une partie de la garde rapprochée du président américain, ou a minima, à la menacer. Récemment, la Maison-Blanche a annoncé que Jared Kuchner, gendre et proche conseiller de Donald Trump, témoignerait devant la commission du Renseignement du Sénat, qui enquête elle aussi sur l'interférence de Moscou dans l'élection présidentielle du 8 novembre. 

 

L'impeachment, une procédure longue et complexe

Dans ce contexte extrêmement tendu, nombreux sont ceux qui parient sur une destitution du président américain, à commencer par les bookmakers. Selon eux, la probabilité de voir Donald Trump visé par une telle procédure avait quasiment doublé mercredi, passant de 33% à 60%, a affirmé Lewis Davey, porte-parole de la société irlandaise de paris en ligne Paddy Power. Pour Allan Lichtman, historien et politologue à l'American University de Washington, qui avait été l'un des seuls à prévoir la victoire du milliardaire en novembre 2016, la destitution de Donald Trump ne fait aucun doute, affirme-t-il à franceinfo.

Mais il ne suffit pas de claquer des doigts pour embrayer une procédure de destitution. La démarche est longue et complexe, et elle nécessite des preuves solides permettant la tenue d'un procès. Et les enquêtes qui visent Donald Trump n'en sont qu'à leurs prémices. Il revient à la Chambre des représentants d'engager le processus, en confiant à son comité judiciaire la charge d'une enquête. Une fois les conclusions présentées à l'assemblée, les élus votent - ou rejettent - la motion de destitution. S'enclenche alors la seconde étape : celle du procès au Sénat. Si Donald Trump allait jusque là, il aurait droit, comme tout citoyen, d'être représenté par un avocat, qui ne manquera pas de souligner les éventuelles failles du dossier. Mais pendant la durée de sa comparution, il serait provisoirement suspendu de ses fonctions. Et pour que le président soit officiellement destitué, il faut obtenir la majorité aux deux tiers au Sénat. Actuellement, celui-ci est à majorité républicaine.

Lancer une procédure de destitution ne signifie pas nécessairement qu'elle va au bout. Dans l'histoire américaine, cette procédure de destitution n'a concerné que trois présidents (Andrew Johnson en 1868, Richard Nixon en 1974, et Bill Clinton en 1998, au moment de l'affaire Monica Lewinsky). Et aucun n'a été contraint de quitter son poste (Richard Nixon, empêtré dans l'affaire du Watergate, a été poussé à la démission le 8 août 1974 avant que la procédure n'aille au bout). 

Par ailleurs, si l'hypothétique procédure d'impeachment contre Donald Trump réussissait, ce n'est pas pour autant que de nouvelles élections seraient organisées. Il reviendrait au vice-président actuel Mike Pence de prendre les rênes de la Maison-Blanche. Il nommerait ensuite un nouveau vice-président pour le seconder. Si la démarche est loin d'être improbable, son aboutissement reste donc, pour l'heure, très improbable.