Jordanie sécheresse eau 3:15
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Jean-Sébastien Soldaïni, édité par Margaux Baralon , modifié à
Lundi a débuté la COP25 à Madrid, en Espagne, avec encore une fois l'objectif pour les nations de la planète participantes de prendre des mesures écologiques fortes afin de limiter le réchauffement climatique. À cette occasion, Europe 1 vous emmène chaque jour de la semaine sur un continent du monde pour constater les effets du réchauffement. Mercredi, c'est en Jordanie, où la pénurie d'eau contraint les autorités au rationnement, et à lutter contre des vols. 
REPORTAGE

Attention, affaire sensible. En Jordanie, la gestion de l'eau est un sujet si délicat qu'il mérite un ministère dédié, créé il y a près de 20 ans pour distribuer équitablement la ressource et éviter la pénurie. Mais aussi lutter contre un marché parallèle édifiant : 51.000 vols d'eau ont été relevés en l'espace de six ans. "Il faut reconnaître que c'est humain", lâche Ali Soubagh, le secrétaire général du ministère. "Il y a des mauvaises personnes qui veulent s'enrichir en volant de l'eau. Ils la volent et la revendent. Ils agissent pendant la nuit en se connectant au pipeline principal." Un crime en Jordanie. "Car si vous volez l'eau du réseau, vous créez des pénuries pour les autres."

"On creuse des puits alors que c'est interdit"

Les Jordaniens sont rationnés, ce qui n'est pas sans créer des tensions. Notamment à Jarash, au nord de la capitale, Amman, où Mohamed surveille ses réserves. "Ma citerne est à moitié vide, il faudra faire très attention", explique au micro d'Europe 1 celui qui n'a plus que sept jours d'autonomie. Il devra pourtant en tenir neuf, jusqu'à la prochaine livraison. La famille a l'habitude, se désole sa sœur, Tahani : "Quand on ouvre le robinet, on ne laisse pas couler à flots. On ouvre à peine. Pour la lessive, on attend toujours la prochaine livraison d'eau et on entasse le linge." Pareil pour le "grand ménage", qui se fait juste après la nouvelle arrivée d'eau. "Il faut sans arrêt être derrière les enfants aussi. Ils n'ont pas conscience du problème, et s'ils laissent un robinet ouvert, on peut perdre beaucoup d'eau", glisse Tahani.

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Habituellement en cette saison, son village est sous la neige. Mais cette année, les sols alentours sont secs, tout comme dans la vallée du Jourdain. Alors, les agriculteurs changent leurs habitudes, à l'instar de Jihad. Celui-ci cultive moins de bananes, très rentables mais trop gourmandes en eau, et privilégie désormais le chou, tout en prenant quelques libertés pour survivre. "La situation est telle qu'on en vient à creuser des puits alors que c'est interdit", confie-t-il au micro d'Europe 1. "Cela coûte très cher et certains prennent le risque d'une amende et de voir le puits fermé si les autorités le découvrent. Mais il faut bien payer les crédits et les employés."

"Nous atteignons un point de non-retour car les pluies se décalent"

Au fond de son champ, il y a un petit trou dans le sol. Lorsqu'il jette une pierre à l'intérieur, on entend le "plouf" caractéristique. Le puits semble bien rempli, et pourtant. L'eau est inutilisable, chargée en sel. Preuve qu'il ne pleut pas assez. "Nous atteignons un point de non-retour car les pluies se décalent", confirme Liès Salamé, professeur des sciences de l'eau pour l'équivalent jordanien de notre CNRS. "Il n'y a pas si longtemps, peut-être dix ans, les premières pluies arrivaient mi-octobre. Là, à la mi-novembre, il n'y avait toujours rien. Plus grave encore, avant on avait des pluies jusqu'en mai. Désormais, les dernières gouttes tombent en mars."

Cet expert propose de pomper l'eau de la Mer rouge avec une station de désalinisation. Mais si la méthode serait peu coûteuse à l'échelle du pays, le prix du transport, en revanche, serait exorbitant pour la distribuer partout. Et même si les autorités font ce choix, le problème ne serait pas réglé. Ce serait à peine suffisant pour relâcher la pression sur la population.