Le Parlement européen recale Sylvie Goulard, un revers cuisant pour Emmanuel Macron

Sylvie Goulard au Parlement européen (1280x640) KENZO TRIBOUILLARD / AFP
Sylvie Goulard est soupçonnée d'avoir participé à un système d'emplois fictifs pour le compte de son parti, le MoDem. © KENZO TRIBOUILLARD / AFP
  • Copié
avec AFP , modifié à
Le Parlement européen a rejeté à une large majorité la candidature de Sylvie Goulard, ardemment soutenue par Emmanuel Macron. L'ancienne ministre, visée par deux enquêtes, n'a pas convaincu les eurodéputés. 

Les députés européens ont infligé jeudi un revers humiliant au président français Emmanuel Macron, en recalant pour des raisons éthiques sa candidate à la Commission européenne, Sylvie Goulard, sous le coup d'une enquête judiciaire en France. Emmanuel Macron a rejeté la responsabilité du choix de la candidate française sur la présidente de la nouvelle Commission. "J'ai proposé trois noms à Ursula von der Leyen. Elle m'a dit : 'je veux travailler avec Sylvie Goulard'", a-t-il déclaré après l'annonce de l'échec de la Française, ajoutant avoir besoin "d'explications".

Le rejet de cette candidature, à une écrasante majorité de 82 voix contre 29 et une abstention, est également un coup sévère pour Ursula von der Leyen. Elle l'a en effet choisie malgré les mises en garde sur ses problèmes et lui a confié un énorme portefeuille regroupant le Marché intérieur, l'Industrie, la Défense, l'Espace, le Numérique et la Culture, doté de budgets de plusieurs dizaines de milliards d'euros. Deux enquêtes sont en cours, l'une par la justice française, l'autre par l'office anti-fraude de l'UE (Olaf), sur la participation de Sylvie Goulard à un système d'emplois fictifs pour son parti, le MoDem (centre). L'ancienne ministre a dit "prendre acte" de cette décision, dans un tweet publié peu après cette annonce. 

Première fois qu'un candidat présenté par la France est recalé

C'est la première fois qu'un candidat présenté par la France pour un poste de commissaire est recalé par le Parlement européen. Les élus avaient refusé en 2004 le candidat présenté par l'Italie. La décision d'Emmanuel Macron de désigner Sylvie Goulard avait surpris, car sa candidate est sous le coup d'une enquête qui l'a conduite à démissionner de son poste de ministre des Armées en juin 2017, un mois après sa nomination, avaient confié à l'AFP plusieurs chefs de partis politiques du Parlement. "C'est l'arrogante transgression de cette évidence qui a fait chuter Sylvie Goulard", a commenté le français Arnaud Danjean, vice-président PPE du Parlement.

"Le Groupe PPE (Parti Populaire européen) prend très au sérieux l'intégrité de nos institutions et nous ne pouvions donc pas la soutenir", a expliqué la néerlandaise Esther de Lange, vice-présidente du Groupe PPE (droite), le plus important du Parlement. "À Paris comme à Bruxelles, l'éthique doit prévaloir en politique, si nous voulons toutes et tous être de nouveau crédibles aux yeux de la population", ont déclaré Michèle Rivasi et David Cormand, les co-présidents de la délégation écologiste française au Parlement.

Des doutes sur l'intégrité et l'indépendance de Sylvie Goulard 

Le Parlement européen devait décider si Sylvie Goulard avait toutes les compétences requises pour son portefeuille et si elle présente toutes les garanties d'intégrité personnelle et d'indépendance. Les doutes exprimés sur son intégrité et son indépendance lui ont imposé de répondre à des question écrites après sa première audition le 2 octobre. Elles ont été jugées insuffisantes et l'ont obligée à se soumettre à l'épreuve d'une seconde audition. Deux enquêtes sont en effet en cours, l'une par la justice française, l'autre par l'office anti-fraude de l'UE (Olaf), sur sa participation à un système d'emploi fictif présumé pour son parti, le MoDem, en rémunérant un assistant parlementaire en France avec les fonds européens accordés aux députés par le Parlement européen. 

"Sylvie Goulard doit expliquer pourquoi une enquête qui l'a contrainte à démissionner de son poste de ministre en France ne l'empêcherait pas de devenir commissaire européen", avait expliqué à l'AFP le chef d'un groupe politique avant l'audition. Des interrogations ont également été émises sur les activités ayant justifié d'importantes rémunérations obtenues entre 2013 et 2016 de l'institut Berggruen, fondé par le milliardaire germano-américain Nicolas Berggruen, alors qu'elle était députée européenne.