Autorisées à conduire, les Saoudiennes encore privées de nombreux droits

Les Saoudiennes pourront conduire dès juin 2018 (photo d'illustration).
Les Saoudiennes pourront conduire dès juin 2018 (photo d'illustration). © FAYEZ NURELDINE / AFP
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M.L , modifié à
Le roi d'Arabie Saoudite a brisé un premier tabou en levant cette interdiction mardi. Mais plusieurs obstacles de taille demeurent sur le chemin de l'émancipation des femmes.

C'est une première avancée symbolique. L'Arabie Saoudite, dernier pays au monde où les femmes n'étaient pas autorisées à conduire, a levé cette interdiction, mardi. "Un pas important pour l'égalité des sexes" aux yeux de la Premier ministre britannique Theresa May, la voie ouverte à "de nouvelles avancées pour les femmes" pour le Quai d'Orsay… La décision a été unanimement saluée par la communauté internationale, souvent critique de l'Etat du Golfe pour son déficit en matière des droits de l'Homme. Mais sur le plan de l'égalité des sexes, beaucoup reste à faire dans ce royaume ultraconservateur.

Un combat de gagné… Pour obtenir le droit de conduire, les Saoudiennes ont dû se battre pendant près de trente ans. La mesure était réclamée depuis 1990 par des militantes, dont certaines ont été arrêtées au volant, défiant l'interdiction. D'autres conduisaient dans l'enceinte de résidences privées pour échapper aux fréquents contrôles. Un représentant de l'opposition des ultraconservateurs, récemment suspendu de prêche, avait notamment affirmé que les femmes ne pouvaient être autorisées à conduire car elles n'ont que "le quart" du cerveau d'un homme.

Le royaume saoudien délivrera des permis de conduire aux femmes à partir de juin prochain. "Je pense que le prince Mohammed est déterminé à emmener l'Etat saoudien dans une nouvelle direction: moins austère, plus nationaliste", estime Kristin Diwan, de l'Arab Gulf States Institute à Washington. D'après l'institut de recherche Capital Economics, cette première autorisation pourrait en effet "avoir un impact économique important en augmentant la participation très faible des femmes à l'économie et en stimulant la croissance potentielle du PIB".

… De nombreux autres à mener. Si tel était le cas, d'autres réformes pourraient-elles suivre ? C'est ce qu'espèrent bon nombre de militantes saoudiennes, toujours soumises à de multiples restrictions dans une société musulmane conservatrice. Exemple le plus flagrant : le système de tutelle, qui continue d'enchaîner les femmes en les obligeant à solliciter l'autorisation d'un membre masculin de la famille proche pour des démarches de la vie quotidienne. Cela signifie, dans la pratique, qu'une femme peut se trouver dans l'obligation de demander à son frère cadet la permission d'entreprendre une intervention médicale ou de voyager à l'étranger.

Des restrictions sont aussi imposées en matière de mariage. En plus de l'interdiction qu'on trouve dans la plupart des pays arabes de contracter un mariage avec des non-musulmans, le Comité permanent pour les recherches islamiques et l'émission de Fatwas - un organisme officiel - a décidé qu'une femme sunnite ne pouvait épouser un "homme chiite ou communiste (athée)". D'autres interdictions ont été levées en théorie, mais sont toujours appliquées dans les milieux conservateurs de ce pays de plus de 31 millions d'habitants. L'administration n'a par exemple plus besoin de la permission d'un tuteur pour que les femmes puissent travailler, mais des employeurs continuent de l'exiger alors que le plan de réformes "Vision 2030" encourage la mixité de l'emploi.

De premières brèches dans le système. Mais de premières exceptions laissent entrevoir l'espoir d'une évolution des mœurs. La semaine dernière, les femmes ont été autorisées à célébrer la fête nationale dans un stade de Ryad, au sein d'une section réservée aux familles et séparée de celle des hommes seuls. Les Saoudiennes sont généralement non autorisées à se mêler à des hommes autres que les membres de leurs familles proches et peuvent être jetées en prison si elles le font.

À Ryad, certaines femmes ont aussi commencé à se montrer à visage découvert, alors que le code vestimentaire du royaume exige qu'elles soient couvertes de la tête aux pieds. Les expatriées, autrefois astreintes au port du voile, peuvent elles maintenant circuler en simple abaya, qui couvre le corps mais pas le visage.