Au Pakistan, le témoignage d'un adolescent djihadiste permet d'éclairer le fonctionnement d'une filière

L'adolescent djihadiste qui a été arrêté devait se faire exploser près d'un lieu de prière de musulmans chiites.
L'adolescent djihadiste qui a été arrêté devait se faire exploser près d'un lieu de prière de musulmans chiites. © ARIF ALI / AFP (Illustration)
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avec Reuters
Arrêté alors qu'il s'apprêtait à se faire exploser non-loin d'un lieu de prière chiite, un adolescent pakistanais a livré un témoignage intéressant aux autorités locales. Plusieurs responsables de son réseau ont ainsi pu être identifiés.

Les récents aveux d'un adolescent pakistanais capturé quelques secondes avant d'actionner sa ceinture d'explosifs ont permis de dévoiler les rouages d'un réseau extrémiste à l'origine d'une série d'attentats ces derniers mois contre la communauté chiite au Pakistan.

Séminaires, centre d'entraînement et ateliers de fabrication de bombes. Le témoignage d'Usman décrit en détail comment le jeune homme a été pris en charge par une kyrielle de structures - séminaires, centre d'entraînement, ateliers de fabrication de bombes - s'étendant sur 2.000 km de l'est de l'Afghanistan, où le futur kamikaze a été recruté, jusqu'à la province de Sindh, dans le sud du Pakistan.

Usman ne mentionne pas directement Daech dans ses aveux, mais les enquêteurs estiment que le réseau qui l'a recruté et entraîné est responsable de cinq attentats sanglants, dont quatre ont été revendiqués par l'organisation djihadiste.

"Un système de franchise". "L'État islamique n'a pas de structure formelle (au Pakistan). Il travaille avec un système de franchises", dit un enquêteur du département antiterroriste, Raja Umer Khattab. Daech revendique les attentats même s'il n'a joué aucun rôle direct. Usman, 18 ans au moment de l'attaque avortée, a été condamné à la peine capitale en mars dernier et attend dans les couloirs de la mort dans une prison de Shikarpur, où il a été capturé.

Après son arrestation en septembre dernier, Usman a décrit aux enquêteurs comme il avait été recruté dans la province de Nangarhar, dans l'est de l'Afghanistan, où les forces afghanes et américaines affrontent un groupe de plusieurs centaines de combattants se revendiquant de l'État islamique.

"Mon frère a dit que je devais rejoindre le djihad". Originaire de la vallée de Swat au Pakistan, la famille d'Usman a rejoint la province afghane quand son père, membre des talibans pakistanais, a été tué par un drone. Un jour qu'il rentrait à la maison, Usman a trouvé son frère assis avec un homme plus âgé. "Mon frère a dit que je devais rejoindre le djihad, devenir un porteur de bombes", a-t-il dit.

Il est parti le jour même, voyageant avec l'homme plus âgé dans un bus pour rejoindre la province afghane de Kandahar, d'où ils ont franchi la frontière pour gagner la province pakistanaise du Baloutchistan. De là, les deux hommes ont rallié à moto la ville de Wadh, en plein désert dans le sud du Baloutchistan, où Usman a commencé son entraînement et résidé chez un homme du nom de Maaz.

Envoyé avec sa ceinture d'explosifs au milieu d'une foule de chiites. "Dans notre chambre, Maaz a sorti des explosifs de son sac et préparé deux vestes d'explosifs", a-t-il raconté aux policiers.

Après un mois à Wadh, Usman dit avoir parcouru à moto, avec une escorte, des pistes secondaires jusqu'à Shikarpur. Quelques jours plus tard, il a été envoyé avec sa ceinture d'explosifs au milieu d'une foule de chiites réunis pour prier. L'attaque a échoué car un fidèle lui a parlé en sindhi, une langue qu'Usman ne comprend pas. Une foule s'est formée autour de lui et l'a immobilisé avant qu'il ne puisse atteindre son détonateur.

Plusieurs acteurs clés du réseau ont pu être identifiés. Les aveux d'Usman ont permis aux policiers d'identifier plusieurs acteurs clés du réseau ainsi que son chef présumé, un ancien informateur des services de renseignement pakistanais du nom de Shafiq Mengal.

"Nos services montrent qu'il a 500 à 1.000 militants travaillant sous ses ordres et qu'il vit dans les montagnes", explique un haut responsable policier. Ce que réfute le père de Shafiq Mengal. "Shafiq n'abrite pas les terroristes ou leurs activités", assure Naseer Mengal.

Le chef du réseau formé par les services de renseignements pakistanais. Cet ancien "chief minister" du Baloutchistan dans les années 1980 ajoute que son fils a activement soutenu les forces de sécurité contre les séparatistes baloutches.

Selon un document interne à la police, Shafiq Mengal, qui a été éduqué dans une école d'élite de la ville-garnison de Lahore, avant de parfaire son éducation dans une madrassa (école coranique), a bien été formé par les services de renseignement pour lutter contre les séparatistes baloutches. Mais il semble avoir récemment changé de camp, pour s'allier aux djihadistes.