Après sa démission, Abdelaziz Bouteflika va-t-il s'installer en Suisse ?
ENQUÊTE - Le président algérien a démissionné le 2 avril, après vingt ans au pouvoir. Aujourd'hui, plusieurs options s'offrent à lui et notamment la Suisse.
Après plusieurs semaines de contestation populaire, Abdelaziz Bouteflika a finalement démissionné le 2 avril. En Algérie, son portrait a déjà été retiré des rues et des administrations. Et mardi, le parlement doit se réunir pour nommer le président par intérim qui doit lui succéder. Mais que va devenir le chef de l'Etat déchu ?
Plusieurs options s'offrent à lui, et notamment la Suisse. Abdelaziz Bouteflika pourrait s'installer à Genève où il a de nombreuses attaches. C'est là notamment que se trouve son médecin de confiance depuis des années. "Il est tout à fait possible que le président Bouteflika revienne à Genève, comme n'importe quel patient qui a des problèmes de santé, pour profiter de l'extraordinaire compétence de l'hôpital cantonal", estime son ancien ami et directeur de thèse Jean Ziegler. "Ça ne m'étonnerait pas qu'au fur et à mesure qu'il lutte contre sa maladie, il fasse de nouveau appel à l'hôpital où son dernier séjour s'est bien passé".
"Genève est une terre idéale parce qu'il y a le secret de la vie individuelle"
Mais l'histoire entre Abdelaziz Bouteflika et la Suisse ne se résume pas à ses dernières années et ses séjours à l'hôpital de Genève. L'ancien chef de l'Etat y a également vécu pratiquement dix ans avant d’être élu président. Après la mort du président Houari Boumédiène en 1978, Abdelaziz Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères, est chassé d’Algérie car il est soupçonné d’avoir détourné d’importantes sommes d’argent. Il choisit Genève pour son exil. Selon ses opposants, c'est parce qu'il y aurait caché de l'argent volé.
A cette époque, le ministre déchu découvre la culture Suisse de la discrétion. "Genève est une terre idéale parce qu'il y a le secret de la vie individuelle. On peut se fondre sans que personne ne vienne vous enquiquiner", décrypte Tahar Houchi, correspondant local du quotidien Liberté Algérie. "La presse n'est pas aussi enquiquineuse qu'en France ou en Italie, où l'on viendrait chercher le buzz. Les gens fortunés viennent vivre ici dans l'anonymat, que ce soit Alain Delon, en matière de cinéma, ou des dirigeants politiques africains. Ils passent inaperçus".
Un résidence dans laquelle le clan Bouteflika a ses habitudes
Et puis Abdelaziz Bouteflika est un amoureux de la Suisse. Lors de son exil dans les années 1980, il en parle même comme d’un modèle à copier. "Je l'ai souvent entendu dire qu'il était heureux d'être à Genève. A chaque fois que nous parlions de ce qui se passait dans le monde arabe, il revenait en disant que ce serait bien si dans nos pays étaient à l'image de ce magnifique pays qu'est la Suisse", assure le fondateur de la mosquée de Genève, Hafid Ouardiri. "Il reviendra certainement par là avec sa famille parce qu'il y a une résidence qui avait été préparée depuis longtemps, le château de Pregny", ajoute-t-il. "C'est certainement là où il finira ses jours".
Cette résidence a été achetée par l’Algérie en 2008 pour 30 millions de francs suisses. Le terrain de 35.000m² est caché derrière de grandes grilles. Derrière, la vue sur le Lac Léman est à peine troublée par les jets privés qui viennent se poser sur le petit aéroport quelques centaines de mètres plus bas. L’hôpital universitaire de Genève, lui, est à moins de 5 kilomètres à vol d’oiseau. Et même si selon le Palais présidentiel, la propriété est exclusivement destinée au représentant algérien aux Nations Unis, certains médias algériens assurent que le clan Bouteflika a aussi l’habitude d’y passer ses vacances depuis dix ans.