Syrie: "Kofi Annan s'est retrouvé tout nu"

"Nous allons essayer de travailler pour amener à nous au moins sur les questions humanitaires la Russie et la Chine", affirme Gérard Araud.
"Nous allons essayer de travailler pour amener à nous au moins sur les questions humanitaires la Russie et la Chine", affirme Gérard Araud. © Reuters
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INTERVIEW E1 - Gérard Araud, ambassadeur permanent à l'ONU, regrette que l'ex-émissaire ait eu si peu de soutien.

"Kofi Annan ne pouvait pas résoudre seul le conflit syrien. Il avait besoin du soutien de l'ONU, qui lui a manqué, à cause des trois vétos consécutifs en 15 mois de la Chine et la Russie". Gérard Araud, ambassadeur permanent de la France à l'ONU, est revenu en exclusivité, samedi sur Europe 1, sur la démission de Kofi Annan du poste d'émissaire syrien des Nations unis.

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"Ces deux pays doivent entendre la voix de la communauté internationale, qui leur dit à quel point ils sont isolés", martèle l'ambassadeur. "Les Russes nous disent, mieux vaut Bachar al-Assad que les islamistes, qu'ils soupçonnent d'être ancrés parmi les rebelles. Mais ils ne comprennent pas que si on en reste à ce stade, ce sera Assad, puis les islamistes. Car Assad tombera. Mais plus nous attendons, plus le conflit se radicalisera", craint Gérard Araud.

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Araud : Annan a "manqué de soutien"par Europe1fr

"Accentuer l'aide humanitaire"

La démission de Kofi Annan intervient alors que l'Assemblée générale des Nations unies a massivement condamné vendredi le gouvernement syrien et réclamé une transition politique. Cette instance, qui compte 193 États membres, a adopté un projet de résolution d'inspiration saoudienne exprimant une "grave préoccupation" devant l'escalade des violences.

Cent trente-trois pays ont voté pour, 12 contre et 31 se sont abstenus. Le texte bénéficiait du coparrainage de plusieurs États membres, dont celui de nombreux pays occidentaux. Comme prévu, la Russie, alliée fidèle du président syrien Bachar al Assad, a voté contre ce texte, qui n'a pas de valeur contraignante. Lui ont emboîté le pas des nations connues pour leur hostilité envers l'Occident comme la Chine, l'Iran, la Corée du Nord, la Bilélorussie et Cuba. "Toutes des démocraties exemplaires...", ironise Gérard Araud.

Au delà de  cette résolution, Paris veut profiter de sa présidence des Nations unies pour "accentuer l'aide humanitaire aux Syriens", à défaut d'une avancée politique, a affirmé Gérard Araud, en mettant en garde Moscou contre un "désastre final". "Progresser d'un point de vue politique, je dois avouer que je pense que ce sera difficile". Mais des choses peuvent être faites "d'un point de vue humanitaire parce qu'on oublie qu'au-delà des blocages du Conseil de sécurité ou de la démission de Kofi Annan, il y a la souffrance des Syriens", a-t-il déclaré.

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Fabius à New York à la fin du mois

La France a pris le 1er août et pour un mois la présidence tournante du Conseil de sécurité de l'ONU. "Nous allons essayer de travailler pour amener à nous au moins sur les questions humanitaires la Russie et la Chine", a-t-il ajouté, rappelant que le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, prévoyait d'animer à la fin du mois à New York une réunion ministérielle du Conseil de sécurité.

"Il y a trois millions de Syriens qui à l'heure actuelle manquent de nourriture, de médicaments. Il n'y a pas d'accès humanitaire, si ce n'est par le Croissant rouge syrien qui fait des merveilles mais qui est complétement submergé", a déploré le diplomate.

"J'espère que ces deux pays entendront la voix de la communauté internationale" après la démission du médiateur international, Kofi Annan, qui s'est retrouvé "tout nu" sans le soutien du Conseil de sécurité, a-t-il regretté. L'ambassadeur a une nouvelle fois regretté l'absence de pression au plus haut niveau international sur le régime de Bachar al-Assad.