Les émeutes se poursuivent en Suède

Dans la banlieue de Rinkeby, six voitures ont brulé dont cinq entièrement.
Dans la banlieue de Rinkeby, six voitures ont brulé dont cinq entièrement. © Reuters
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Charles Carrasco avec Ariane Lavrilleux, envoyée spéciale à Stockholm et agences , modifié à
REPORTAGE - Stockholm a vécu sa 5e nuit d'incidents. Une école a été incendiée.

L'INFO. Les scènes sont assez rares en Suède dont le modèle social est vanté depuis plusieurs années par ses partenaires européens. Cela fait déjà plus de cinq jours que la banlieue pauvre de Stockholm est le théâtre de violents incidents. Au moins neuf véhicules ont été incendiés tandis que deux écoles et un commissariat de police connaissaient des départs d'incendie vendredi matin. Huit personnes ont été appréhendées au cours de ces incidents, mais aucun blessé n'a été dénombré, a indiqué vendredi matin la police suédoise à l'agence TT.

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Que s'est-il passé ? Dans la banlieue de Rinkeby, théâtre de nombreux incidents depuis le début de la semaine, six voitures ont brulé. Trois autres véhicules ont été incendiés à Norsborg, tandis que l'incendie d'un commissariat de police à Aelvsjoe était rapidement maîtrisé.

Selon les pompiers, deux écoles, la première à Tensta et la deuxième à Kista, près de Husby, d'où les troubles sont partis, ont également été incendiées, mais les sinistres rapidement circonscrits. Des policiers ont été victimes de jets de pierre, à Sodertaelje, au sud de Stockholm, alors qu'ils intervenaient après avoir été informés de la présence de voitures incendiées.

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"C'est difficile d'être en colère". Devant l'une des écoles de la ville qui a été en partie incendiée, les parents sont surpris mais pas vraiment en colère. Et pourtant, deux classes ont été entièrement brûlées. Les murs sont intacts mais à l'intérieur, il n'y a que des débris carbonisés de bois. Monica, une maman, n'arrive pas à en vouloir à ces quelques jeunes de banlieue qui subissent un chômage deux fois plus important que le reste de la population.

"La classe de ma fille est la plus détruite. Toutes ces affaires qui sont parties. C'est dur. Mais c'est un quartier où il y a beaucoup de chômage. Tout le monde connaît quelqu'un ici sans travail. C'est difficile d'être en colère quand ça ne marche pas pour tout le monde", a-t-elle affirmé au micro d'Europe 1.

Même si ses parents se sentent impuissants face à ces tensions sociales, ils veulent tenter de reprendre la main sur ce qu'ils appellent des "jeunes égarés". Monica va participer vendredi soir à des rondes autour du quartier pour tenter de retrouver la paix suédoise. 

Pourquoi ces émeutes ? Ces violences auraient pour origine la mort, d'un habitant de 69 ans abattu par la police à son domicile de Husby, un quartier défavorisé de Stockholm. La police affirme de son côté avoir été incapable de raisonner cet homme armé et a plaidé la légitime défense. Selon des responsables associatifs locaux cités dans la presse, les auteurs des troubles reprochent aux forces de l'ordre leur racisme. Ces derniers accusaient des policiers d'avoir lancé des insultes comme "clochards", "singes" ou "sales nègres".

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Un débat en Suède. Ces violences ont provoqué un débat en Suède sur l'intégration des immigrés, qui représentent environ 15% de la population. "Nous sommes en train de devenir peu à peu comme les autres pays", a affirmé de son côté Aje Carlbom, anthropologue social à l'université de Malmoe. "Vivre en tant que jeune dans ces endroits de ségrégation peut se révéler très difficile sous beaucoup d'aspects. Vous n'avez pratiquement aucun contact avec les autres Suédois et la plupart du temps, je ne pense pas que vous ayez une bonne compréhension de la société suédoise", a-t-il assuré.

Les enquêtes d'opinion montrent qu'une majorité de Suédois est toujours favorable à l'immigration. Mais d'autres voix se font de plus en plus entendre. "Il est clair que ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ne travaillent pas, ne profitent pas non plus des bénéfices de la croissance", renchérit Ulf Bjereld, professeur de sciences politiques à l'Université de Göteborg.

Une immigration libérale. Le Premier ministre conservateur Fredrik Reinfeldt, fervent partisan de l'accueil des immigrés, a voulu donner devant le Parlement l'image d'une nation unie. "Je pense qu'il est dangereux de vouloir dépeindre la Suède avec une capitale séparée de ses banlieues. Je ne pense pas que ce soit vrai. Je pense que la ligne qui nous divise traverse Husby, entre une population majoritaire et à côté un petit groupe de fauteurs de trouble", a-t-il déclaré jeudi.

En raison de sa politique d'immigration libérale, la Suède est devenue ces dernières décennies l'une des premières destinations des immigrants en Europe, dont des ressortissants d'Irak, d'Afghanistan, de Somalie, des Balkans et récemment de Syrie. De graves incidents comparables à ceux se déroulant actuellement avaient déjà eu lieu en 2010 à Rinkeby et en 2008 à Malmö, dans le sud du pays, où un centre culturel islamique avait été fermé.