Le SS face à un descendant de ses victimes

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avec Hélène Kohl , modifié à
Infiltré dans le milieu néonazi, un historien a démasqué un ex-SS impliqué dans la mort de sa famille.

Spécialiste de l'Holocauste, Mark Gould voulait tourner un documentaire sur les néonazis allemands. Mais cet historien américain de confession juive ne s’attendait pas à ce que ses investigations prennent une tournure si personnelle.Au fil de son enquête, il a en effet rencontré et démasqué un ancien cadre des SS, le bras armé du parti d’Adolf Hitler qui deviendra l’épine dorsale du régime nazi. Or, ce dernier serait l'un des responsables présumés de la mort d’une grande partie de ses ancêtres.

Parti pour un documentaire en immersion

En 2006, alors âgé de 37 ans, Mark Gould prépare un documentaire sur le milieu néonazi allemand. Il débarque outre-Rhin en se faisant passer pour l’un des leurs afin d’infiltrer cette communauté très fermée.

Il fréquente pendant six ans ce milieu et gagne peu à peu leur confiance, au point de pouvoir participer à des réunions avec des vétérans de la SS. Il rencontre alors Bernhard Frank, un ancien officier SS, avec lequel il se lie d’amitié pendant quatre ans.

Une signature avec un air de déjà-vu

Bernhard Frank, aujourd’hui âgé de 97 ans, coule alors des jours paisibles à Francfort, dans la région de Hesse. Le retraité rédige un jour une lettre anodine à son nouvel ami, mais la signature l’est beaucoup moins : elle est identique à celle apposée sur l’ordre d’exécution des juifs de Biélorussie, le 28 juillet 1941.

Or, parmi les victimes figure une grande partie de la famille de Mark Gould, dont 28 membres ont péri au cours de l’Holocauste.

“Es-tu mon ami ou mon ennemi ?“

L’historien retourne donc voir Bernhard Frank et lui révèle la vérité sur son identité et sa famille. “Es-tu mon ami ou mon ennemi ?“, lui rétorque l’ancien SS, sans exprimer le moindre regret. “Je n’ai pu endurer cette expérience que parce que j’ai développé un deuxième Moi“, a déclaré après coup Mark Gould au quotidien Bild.

Face à l’absence de regrets de l’ancien officier, l’historien rend l’affaire publique. La police criminelle allemande vient d’ouvrir une enquête. Mais quelle est la responsabilité réelle de l’ancien SS ? Les spécialistes de la traque d’anciens dignitaires impliqués dans l’Holocauste doutent de l’efficacité des poursuites : le nom de Bernhard Franck n’apparait pas dans l’organigramme politique de la SS, ce qui expliquerait qu’il a vécu si longtemps sans se faire repérer.