La Centrafrique sortira-t-elle du chaos ?

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3’CHRONO - La rébellion a repris les rênes du pays. Mais quid de la démocratie ?

L’ACTU. La Centrafrique, dont la capitale Bangui est tombée dimanche aux mains des rebelles, au terme d'une offensive lancée pour renverser le président François Bozizé, a déjà connu de nombreuses années d'instabilité, de multiples rébellions, mutineries militaires et putschs qui ont ravagé son tissu économique.

>> Retour sur la situation dans cet Etat qui compte parmi les plus pauvres de la planète.

Dans quel état est la Centrafrique ?  "C’est un pays extrêmement pauvre, aux revenus infimes". Philippe Hugon, chercheur à l’Iris et spécialiste de l’Afrique, dresse un portrait exsangue de ce pays d’Afrique centrale. La Centrafrique est, en effet, l'un des pays les plus pauvres du continent africain, mais aussi du monde. "Pourtant les richesses y sont nombreuses", souligne le spécialiste, "on y trouve des diamants, de l’or, de l’uranium ou encore du fer", énumère-t-il, interrogé par Europe1.fr.

Pauvre, la Centrafrique est aussi un pays enclavé, coincé entre des zones de conflits : le Tchad au nord, le Soudan à l’est. Une situation géographique qui a nécessairement influé sur l’état désastreux dans lequel se trouve le pays aujourd’hui, selon Philippe Hugon. "C’est un pays où l’Etat est très faible, où il n’y  pas d’armée", précise-t-il.

Qui sont les rebelles ?  "La rébellion est une coalition très hétérogène. Elle est composée de plusieurs groupes qui ont pour but commun de renverser le président François Bozizé", explique Philippe Hugon. Un objectif atteint le week-end dernier puisque les rebelles ont pris la capitale Bangui. Néanmoins les opposants à Bozizé ont annoncé qu’ils conservaient le gouvernement en place, qui avait été formé à la suite d'un accord de partage du pouvoir conclu en janvier dernier à travers les accords de Libreville.

"Aujourd’hui ces rebelles réclament la tenue d’élections législatives comme cela était prévu par ces accords", explique Philippe Hugon, auteur de La géopolitique l’Afrique. "Mais ils ne sont pas plus légitimes que ne l’était Bozizé [arrivé au pouvoir après un coup d’Etat en 2003, NDLR]", précise-t-il. Le président déchu se serait réfugié au Cameroun.

Qui sont les soutiens des rebelles ? Difficile à dire. "On peut imaginer que le Tchad offre un appui aux rebelles, mais il n’y a aucune certitude", explique Philippe Hugon. En revanche, il est clair, pour le spécialiste que "la population centrafricaine ne soutient pas la rébellion. Comme elle ne soutient pas non plus Bozizé, d’ailleurs", précise-t-il. Le spécialiste de l’Afrique évoque même une population "attentiste" qui ne souhaite qu’une chose : éviter les exactions.

Y-a-t-il une mouvance islamiste derrière ces rebelles ? "Non, même si la rébellion est composée majoritairement de musulman il ne s'agit pas d'un combat pour l'Islam", précise Philippe Hugon, qui balaye toute revendication islamiste derrière ce conflit. "Il y a peu de risques de dérive islamiste aujourd'hui dans ce pays, même s'il existe sûrement des infiltrations islamistes au sein de la rébellion venant des pays voisin", ajoute-t-il, soulignant que le pays se compose à 80% de chrétiens, majoritairement des protestants.

Qui sont les soutiens de Bozizé ? Les rebelles se sont heurtés au contingent sud-africain déployé en Centrafrique, en arrivant aux portes de Bangui. L’Afrique du Sud apporte son soutien au président Bozizé dans le cadre d'un accord militaire entre les deux pays. Au moins treize soldats sud-africains ont été tués au cours de ces combats, 27 autres ont été blessés et un est porté disparu, a annoncé lundi le président Jacob Zuma, parlant d'un "triste jour" pour l'Afrique du Sud.

Homme peu charismatique, François Bozizé n’a jamais joui d’une grande cote de popularité parmi la population. Réélu en janvier 2011 avec 64,37% des voix,  il avait été accusé, par l’opposition, de fraude pendant le 1er tour du scrutin. Le 10 décembre 2012, la coalition rebelle du Séléka, composée de factions dissidentes, avait alors pris les armes pour réclamer "le respect" d'accords de paix conclus entre 2007 et 2011.

Et la France dans tout cela ? "François Hollande l'a dit fort bien, nous n'avons pas à nous mêler aux affaires intérieures de la Centrafrique", a déclaré Laurent Fabius, lundi matin sur Europe 1. Le ministre des Affaires étrangères a néanmoins souligné que "pour l'instant il n'y a pas de pouvoir légitime là-bas". Par ailleurs, Paris a renforcé son dispositif militaire à Bangui, mais sans prendre part aux combats. Les 250 soldats déjà sur place ont été rejoints par 300 militaires supplémentaires, chargés notamment d'assurer la sécurité de l'aéroport, des missions diplomatiques et des quelque 1.200 ressortissants français qui vivent en Centrafrique.    

Quelle issue le pays peut-il espérer ?  L’issue impérative est qu’il y ait un pouvoir légitime et des élections.  "Le chef des rebelles a assuré qu’il respecterait l’échéancier mis en place dans les accords de Libreville", souligne Philippe Hugon.  "Il devrait donc y avoir des élections législatives dans un an et des élections présidentielles dans trois ans. Ce qui me semble un peu long", estime l’expert, qui souligne que "la situation actuelle n’est pas une situation de rupture complète, mais plutôt de compromis"