En Centrafrique, le silence des lames

Les violences entre chrétiens et musulmans demeurent en Centrafrique.
Les violences entre chrétiens et musulmans demeurent en Centrafrique. © Reuters
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Gwendoline Debono, envoyée spéciale en Centrafrique et Charles Carrasco , modifié à
REPORTAGE - Machettes, gourdins, couteaux sont l'expression de la violence ordinaire à Bangui.

L'INFO. L'avenir de la Centrafrique est en train de se jouer hors des frontières. Les dirigeants d'Afrique centrale ont ordonné dans la nuit de jeudi à vendredi à N'Djamena aux parlementaires centrafricains, emmenés plus tôt par avion de Bangui, de préparer un accord qui s'oriente vers une mise à l'écart de Michel Djotodia, chef de l'Etat par intérim. Pendant, ce temps, dans le pays, les violences demeurent.

>>> Pour plus de discrétion, elles sont souvent commises à l'arme blanche, comme ont pu le constater les membres de ce Centre de la Croix Rouge à Bangui, rencontrés par l'envoyée spéciale d'Europe 1. 

Le torse et la joue de l'adolescent sont scarifiés. En un coup d'œil sur les entailles, l'équipe médicale reconnaît la signature de l'arme. "C'est un coup de machette", affirme-t-il. La femme, qui accompagne le blessé, raconte l'histoire derrière ces coupures. "Ils ont tué un Arabe. Et maintenant, les Arabes se sont révoltés contre les Centrafricains", assure-t-elle. Par "Arabe", il faut comprendre musulmans et par "Centrafricain", cette femme désigne les chrétiens. Mais à Bangui, plus les plaies béantes s'accumulent, plus la parole se fait haineuse.

Centrafrique : le silence des lamespar Europe1fr

Une demi-heure plus tard, l'homme que l'on amène a le tiers du visage mutilé. A même le sol, on le soigne à l'aide de compresses et de Bétadine. Pour évacuer les blessés vers l'hôpital, encore faut-il qu'un véhicule soit disponible. Après un bon quart d'heure, il finit par arriver. C'est un pick-up cahotant. L'homme est chargé à l'arrière sur le plateau. Les lésions semblent difficiles à opérer. En ce moment en Centrafrique, on coupe plus qu'on ne tire. "Ces temps-ci, ce n'est pas seulement avec des fusils qu'on tue, beaucoup plus avec des couteaux, des machettes, des gourdins. Si on le fait avec des fusils, ils seront vite repérables par les forces de paix qui sont là", explique le président de la Croix-Rouge centrafricaine.

Difficile pour lui de dire, avec précision, combien sont morts ainsi car en brousse ou dans les arrières cours, ce responsable humanitaire le sait, le silence des lames laisse derrière lui des dépouilles encore invisibles.

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