Comment les vidéos de l’Etat islamique sont-elles authentifiées ?

© Reuters
  • Copié
, modifié à
Après la diffusion d’une nouvelle vidéo d’exécution d’otages, le ministère de l’Intérieur a affirmé qu’un Français se trouvait probablement parmi les bourreaux. Comment cela a-t-il pu être confirmé ?

James Foley, Steven Sotloff, David Haines, Alan Henning et maintenant  Peter Kassig. Tous ces otages des djihadistes de l'Etat islamique ont été décapités et leur dépouille exposée devant une caméra. A chaque fois, le doute susbiste sur ces vidéos d’exécution avant que les services de renseignements n'authentifient le film. Pour comprendre leurs méthodes de travail, Europe 1 vous propose des éléments de réponse.

>> LIRE AUSSI - Que sait-on du Français suspecté d'être un bourreau de l'Etat islamique ?

"L’important est toujours de répondre aux questions tactiques : qui, quand, où ?", commence Alain Rodier, spécialiste des questions de renseignement au Centre français de recherche sur le renseignement.

Qui ? Contrairement aux autres vidéos publiées par le groupe terroriste, des bourreaux sont apparus à visage découvert dans la dernière vidéo publiée, "certainement pour montrer la ‘puissance’ de Daesh", l’autre nom de l’Etat islamique. Dans le cas de Maxime Hauchard, une enquête avait déjà été ouverte à son propos après une interview donnée à BFM TV. Les enquêteurs ont donc pu s’appuyer sur les éléments à leur disposition pour son identification, comme des vidéos ou photographies précédentes. Par ailleurs, note Alain Rodier, "les techniques d’identification faciales, vocales, etc. ont considérablement progressé et sont d’une aide précieuse". Malgré la modification de la voix du bourreau de James Foley, les autorités britanniques et américaines ont pu l’identifier sous le surnom de "Djihadi John", Jalman Al-Britani selon son nom de combattant. Par ailleurs, note le spécialiste du renseignement, les témoignages des anciens djihadistes rentrés au pays et appréhendés "peuvent être précieux". Les recoupements se font aussi entre les "services de renseignement des pays concernés", qui "communiquent tous entre eux, à l’exception de la Syrie", précise le spécialiste du renseignement. "Les recoupements sont souvent partis d’indices infimes", continue-t-il.

Quand ? La vidéo de l’assassinat de Peter Kassig et des 18 militaires syriens a été diffusée ce week-end, mais de prime abord, rien ne prouve qu’elle a été tournée récemment. Pour s’assurer de la date du crime, les enquêteurs peuvent s’appuyer sur la lumière ou encore la végétation qui peuvent apparaître en arrière-plan, selon BFM TV. De plus, les djihadistes qui prennent la parole font parfois référence à certains événements, qui permettent de dater le discours.

Irak-journaliste-James-Foley

Où ? "La Syrie est un pays bien connu et couvert par les photos aériennes", explique Alain Rodier. Les vidéos de l’organisation djihadiste sont la plupart du temps filmées en extérieur. "Des comparaisons peuvent être ainsi faites quand les éléments fournis sont suffisantes (par exemple en fond d’image)", continue le spécialiste. "Les détails sont aussi importants : la végétation, toute inscription, la manière de s’habiller des intervenants, la météo, etc. peuvent éventuellement être exploités".

Peut-on être totalement certain de l’authenticité d’une vidéo ? Non, tranche Alain Rodier. "Mais laissons les thèses complotistes aux passionnés du genre". Entre les canaux de diffusion de l’Etat islamique, comme leur "société de production", les identifications faciales et vocales, les éléments de paysage, mais aussi les témoignages d’anciens djihadistes rentrés au pays, les éléments sont souvent assez nombreux pour permettre de dire qu’une exécution a bien eu lieu et qu’il ne s’agit pas (que) d’une mise en scène. L’authentification de vidéo, "en résumé, [c’est] la récolte de détails qui peuvent paraître insignifiants mais qui, mis bout à bout, deviennent révélateurs".

>> LIRE AUSSI - L'Etat islamique, organisation aux mille noms