Un proche de Dassault condamné à 15 ans de réclusion pour tentative d'assassinat

Younès Bounouara, 43 ans, était le relais de Serge Dassault aux Tarterêts.
Younès Bounouara, 43 ans, était le relais de Serge Dassault aux Tarterêts. © ERIC FEFERBERG / AFP
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avec AFP
Younès Bounouara, proche de Serge Dassault, a été condamné mercredi à 15 ans de réclusion pour tentative d'assassinat sur fond de soupçons d'achat de votes à Corbeil-Essonnes.

Ses rivaux l'accusent de ne pas avoir partagé l'argent de Serge Dassault. Lui soutient s'être défendu contre des maîtres-chanteurs. Younès Bounouara, proche de l'avionneur, a été condamné mercredi à 15 ans de réclusion pour tentative d'assassinat commise sur fond de soupçons d'achat de votes.

Règlement de comptes. Le verdict de la cour d'assises de l'Essonne, supérieur aux douze ans requis par le parquet, a été accueilli par les pleurs et la colère de la famille. "Ça suffit, c'est fini", leur a répondu l'accusé. Bounouara, 43 ans, a tiré le 19 février 2013 depuis la terrasse d'un café sur Fatah Hou, qui circulait en voiture dans le centre de Corbeil-Essonnes. Grièvement blessé, ce boxeur professionnel conserve encore de lourdes séquelles. Bounouara a expliqué son coup de sang par les menaces et harcèlements dont il était victime depuis plusieurs années. A la tête de cette "équipe", surnommée "Les Italiens" : Fatah Hou.

La thèse d'un tir accidentel balayée. Dans ses réquisitions, l'avocat général Jean-Michel Bourlès a balayé mardi la thèse d'un "tir accidentel". "Younès Bounouara a tiré volontairement pour donner la mort", a-t-il estimé. La défense a contesté la préméditation et l'intention des coups de feu, malgré des écoutes judiciaires accablantes, dans lesquelles Bounouara prévient ses proches qu'il a son "pétard" et va "canarder" Hou. C'était "un appel au secours", a soutenu son avocat David-Olivier Kaminski. "Celui qui passe devant le café, c'est Fatah Hou, Younès n'en a pas la maîtrise", a-t-il ajouté. Il a demandé, en vain, à la cour d'"acquitter" son client du "crime" de tentative d'assassinat.

Une histoire de gros sous. En toile de fond, les soupçons d'achat de votes aux élections municipales de Corbeil-Essonnes, en région parisienne, qui valent à Serge Dassault, maire de 1995 à 2009, une mise en examen dans un dossier distinct. En novembre 2012, trois mois avant les tirs, Hou coréalise une vidéo pirate dans le bureau de Serge Dassault. Le sénateur Les Républicains y reconnaît "avoir tout donné à Younès", après l'élection en 2010 de Jean-Pierre Bechter, l'un de ses fidèles qui lui a succédé à la mairie.

Un relais de Serge Dassault. Un mois plus tard, Le Canard enchaîné s'appuie sur cet enregistrement et révèle que Bounouara, relais de Serge Dassault aux Tarterêts, une cité sensible de Corbeil, a touché 1,7 million d'euros de l'avionneur et n'aurait pas redistribué l'argent "comme il devait le faire", selon Hou. Le milliardaire a confirmé un don de deux millions destiné, selon lui, à "financer un projet industriel en Algérie", récusant tout lien avec le scrutin. "Ce système a généré de grosses difficultés à Corbeil", a posé l'avocat général. "Younès Bounouara en a tiré profit. Il a aidé sa famille, ses amis, ses copains d'enfance (...) à récupérer une part du gâteau", a souligné Jean-Michel Bourlès.

L'accusation a cependant évoqué le parcours personnel difficile de l'accusé, "parti avec plein de handicaps dans la vie", dont la perte du père dès l'âge de cinq ans. Puis, à l'adolescence, la rencontre avec Serge Dassault, qui vient de remporter la mairie en 1995. L'industriel l'utilise comme relais aux Tarterêts pour désamorcer les émeutes, très violentes à l'époque. En échange, Bounouara crée plusieurs sociétés, dans le nettoyage et le bâtiment, qui raflent les marchés publics de la ville.

"Ça a été à la fois la chance et le sort de sa vie". "Ça a été à la fois la chance et le sort de sa vie", a résumé son avocat Olivier Kaminski. "Cet argent, c'est une plaie. Sans cet argent, on le laisse tranquille." L'avocate de Fatah Hou, Marie Dosé, a relevé que Younès Bounouara n'avait jamais porté plainte avant les tirs. Puis a ironisé sur "la leçon bien apprise" par la vingtaine de témoins cités par la défense, qu'elle a accusée "d'enfumage". Cités par une partie civile, Serge Dassault et Jean-Pierre Bechter n'ont en revanche pas honoré leurs convocations : le premier en raison d'un "voyage à l'étranger", le second pour "problèmes de santé", certificat médical à l'appui.